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sortie d’Alexandrie. Cochrane court à Poros pour y activer l’armement de la flotte grecque. Pendant ce temps, les Albanais renouvellent leurs propositions, et cette fois le général Church, désireux d’en finir, les accepte. Des otages, suivant la coutume orientale, sont fournis aux Turcs. Les soldats guègues se forment sur deux rangs, au nombre de 250 environ. Les otages marchent en tête de la colonne. C’est dans cet ordre qu’on franchit les décombres. Une double ligne de cavalerie grecque borde les deux côtés du chemin. En ce moment une masse de soldats s’approche de la queue de la colonne. Des injures s’échangent. Un Rouméliote saisit le fusil d’un Albanais et essaie de le lui arracher. Celui-ci résiste ; dans le débat, l’arme qui était chargée part, sans blesser cependant personne. Le massacre aussitôt commence. Une décharge générale couche à terre un grand nombre de Turcs. Les Grecs achèvent les blessés à coups de sabre et dépouillent les morts.

Quelques Albanais parvinrent à gagner les derniers retranchemens occupés par Kostas Botzaris et par Nikétas ; ils eurent alors à essuyer le feu des avant-postes turcs. Plus de 200 Guègues trouvèrent la mort dans cette triste journée, et tous ces Guègues étaient des héros. Reschid, lorsqu’on lui annonça l’épouvantable catastrophe, s’en montra plus ému qu’on n’eût pu l’attendre d’un Turc façonné depuis si longtemps au mépris de la vie humaine. « Dieu ne laissera pas, dit-il, ce manque de foi impuni. » Le général Gordon avait assisté au sac de Tripolitza. Ce nouvel attentat le dégoûta de la Grèce. Il se démit de ses fonctions de directeur-général de l’artillerie et s’éloigna pour toujours d’un théâtre où se commettaient tant d’atrocités. Church et Cochrane se montrèrent un instant disposés à suivre son exemple ; mais bientôt ils se ravisèrent. Church reprit le commandement dont il s’était dépouillé avec ostentation, Cochrane adressa une proclamation à ses marins pour les féliciter de n’avoir pas trempé dans ce guet-apens.

La réduction du monastère de Saint-Spiridion et la jonction des deux camps grecs jusqu’alors séparés marquèrent un temps d’arrêt dans les opérations. L’armée de l’Attique cherchait à s’avancer dans la plaine et travaillait à élever des tambours en face de ceux des Turcs. L’armée ottomane campée devant Athènes se tenait sur la défensive et s’occupait surtout de faire venir ses approvisionnemens de la Thessalie. Le 26 mars, Reschid avait reçu de l’intérieur 1,500 charges de biscuit et 700,000 piastres. Embarqués à Volo, ces secours étaient transportés par mer à Négrepont et à Oropos. C’était donc à Volo même qu’il était plus certain de les aller détruire. Ni Coletti, ni Heïdeck, n’avaient réussi dans leurs expéditions. Le capitaine Hastings ne demanda le secours d’aucun corps