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de tribunaux chargés de décider les questions qui pouvaient en concerner le prélèvement, n’étaient pas les seuls embarras d’un contrôleur-général des finances. Il rencontrait dans leur perception une quantité d’obstacles ; il était forcé de se servir d’agens qui souvent avaient acheté leurs charges, comme les receveurs-généraux ; il se trouvait contraint d’accepter le service de fonctionnaires inutiles, tels que les receveurs alternatifs chargés de percevoir les mêmes impôts a, tour de rôle, ce qui entraînait souvent la présence sur les mêmes lieux de deux collecteurs d’impôts, l’un demandant les restes de l’année précédente, l’autre ceux de l’année présente. Ces fonctions, vendues par l’état dans sa détresse, compliquaient inutilement un service déjà bien difficile à remplir. Le ministre devait à la fois empêcher le détournement des deniers de l’état et veiller à la défense des contribuables, dont l’intérêt se trouvait sans cesse mis aux prises avec celui des collecteurs par le mode de fermes adopté. » Ainsi, quoique le contrôleur-général des finances ne-fût placé, pour ainsi parler, qu’au bas bout de la table du conseil, il tendait à devenir le ministre dirigeant comme l’avait été Colbert. Quelques-uns de ses successeurs avaient réuni à cette fonction le titre de ministre d’état, et à la fin de l’ancienne monarchie, par la force des choses, Necker, qui s’était retiré une première fois de la direction-générale ides finances, parce qu’on lui refusait l’entrée au conseil et qu’on ne voulait lui accorder que les entrées de la chambre, se trouva, lors de son rappel, le véritable premier ministre.

Le même fait s’est produit en Angleterre, où déjà depuis longtemps le premier lord de la trésorerie est le chef du cabinet, quoique le titre de président du conseil appartienne à un autre. Le dédain qu’affectait la haute noblesse pour les secrétaireries d’état était bien plus marqué encore pour le contrôle-général des finances ; depuis la suppression de la surintendance, on n’avait plus un François d’O, un Henri de Schomberg, un Michel de Marillac, un comte d’Avaux, pour gouverner ce département. Cependant cette noblesse de vieille souche voyait son crédit politique décliner, et c’était à son détriment que s’était accrue l’importance des secrétaires d’état. Saint-Simon les qualifie de monstres qui avaient dévoré la noblesse, de tout-puissans ennemis des seigneurs qu’ils avaient mis en poudre à leurs pieds. Il ne restait guère aux grandes maisons que des dignités sans action et des charges de cour sans autorité. Les gens de haute naissance tentèrent, il est vrai, sous la régence, de ressaisir un pouvoir qui leur échappait. Ainsi que l’a fait. voir M. le vicomte de Luçay dans son beau travail, sur les Origines du pouvoir ministériel en France, un plan avait été ourdi pour rabaisser les secrétaires d’état à leur situation première. Saint-Simon, dont on vient de rappeler, d’après le savant publiciste, le curieux