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et parlementaire, aurait pu offrir des garanties de stabilité et de fixité qui auraient aidé la France à relever son influence en Europe, et dans ces termes elle aurait eu des chances d’être acceptée, non pas peut-être encore avec enthousiasme, mais sans malveillance. Pour cela, la première nécessité était de ne laisser place à aucun doute, d’aller au-devant de toutes les craintes, de ne pas même attendre d’être interrogé sur les points qui tiennent particulièrement au cœur du pays. Ce n’est point évidemment ainsi que le représentant de la royauté traditionnelle a compris sa situation et la monarchie, dont il est devenu l’unique personnification. Au lieu de s’efforcer de rassurer le pays, il perpétue les doutes sur sa politique ; au lieu de prévenir et de désarmer les partis, il leur a donné des prétextes et il leur a laissé le temps de se rallier sur le terrain de la défense de la société moderne. Le malheur de M. le comte de Chambord est de s’être trop complu dans un silence calculé depuis deux mois qu’on l’interroge, après avoir trop parlé précédemment lorsqu’on ne l’interrogeait pas, de sorte qu’on en reste toujours à ses premières déclarations, et que, dût-il céder aujourd’hui, les concessions qu’il ferait pourraient se ressentir des hésitations qui semblent agiter son esprit ou paraître bien tardives. Les déclarations nouvelles qu’il pourra faire risquent fort d’être réputées suspectes ou équivoques.

Après cela, que M. le comte de Chambord se plaigne de voir ses intentions travesties, sa politique indignement calomniée, que dans une lettre à un député de l’Hérault, à M. de Rodez-Benavent, il s’afflige avec une sincérité émue, qu’on puisse en être réduit, « en 1873, » à évoquer contre lui « le fantôme de la dîme, des droits féodaux, de l’intolérance religieuse, d’une guerre follement entreprise dans des conditions impossibles, du gouvernement des prêtres, de la prédominance des classes privilégiées. » Que M. le comte de Chambord parle ainsi, cette plainte part sûrement d’un cœur droit et honnête. Non, on n’aurait ni la dîme, ni la révocation de la liberté religieuse, ni la guerre avec l’Italie, ni la restauration des privilèges de caste, on n’aura rien de tout cela, M. le comte de Chambord se refuse à traiter sérieusement des choses si peu sérieuses, et on ne peut s’en étonner ; mais une lettre à M. le vicomte de Rodez-Benavent n’est pas une constitution, et, s’il y a dans les esprits des doutes, des préjugés ou des craintes, qui donc a plus contribué à les raviver, à les entretenir, que les partisans fanatiques de cette royauté qu’on veut restaurer ? Qui donc à laissé entrevoir le jour où la France redevenue catholique et monarchique devrait se charger d’aller rétablir le pouvoir temporel du pape à Rome ? Qui a parlé de ramener la France libérale, née de la révolution, à 1788 ? Qui donc a représenté tous les Français comme des pénitens qui devaient aller au pied du trône reconnaître leurs erreurs, se frapper la poitrine et abjurer les idées dont ils se nourrissent depuis quatre-vingts ans ? Ceux qui parlent ainsi sont précisément ceux qui se proclament les seuls, les