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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/107

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la réunion des deux métaux qui augmente la dépréciation. Du reste ce n’est pas ici une simple hypothèse : notre raisonnement s’appuie sur les faits les plus certains. Après la découverte de l’Amérique les mines très abondantes qui furent surtout exploitées étaient les mines d argent. L’or devint relativement beaucoup plus rare. Il semblerait, d’après la théorie du parachute, qu’il eût dû d’abord se déprécier beaucoup moins lui-même et ensuite arrêter la dépréciation du métal concurrent. Eh bien ! au bout d’un siècle environ, lorsque cette abondance de l’argent eut pu produire son effet sur la circulation métallique, celle-ci perdit jusqu’à 200 pour 100 de sa valeur par rapport aux autres choses, c’est-à-dire qu’il fallut trois fois plus de pièces de monnaie du même poids et du même titre pour acheter les mêmes objets, et l’or, quoique beaucoup moins abondant, ne fut pas plus favorisé ; seulement avant la découverte de l’Amérique il ne valait que onze ou douze fois son poids d’argent ; après, il valut quinze ou seize fois ce poids. Le rapport entre les deux métaux n’avait varié que d’un quart, et la dépréciation pour l’un et pour l’autre avait été de 200 pour 100. Voilà comment a déjà fonctionné le système du parachute à propos de la plus grande révolution monétaire qui ait eu lieu dans le monde. Et dernièrement encore, lorsque l’argent faisait prime et qu’on parlait de la dépréciation des métaux précieux, on ne faisait pas de distinction entre l’or et l’argent : il n’y avait de différence que dans la prime de 2 pour 100 dont celui-ci jouissait ; il subissait les suites de l’abondance du métal concurrent, et se dépréciait avec lui, si tant est qu’il y eût dépréciation, il ajoutait même à cette dépréciation par cela seul qu’il servait aux mêmes usages que l’or.

Quand on vient dire que, si ce dernier métal avait été seul en 1849 et 1850, au moment de la découverte des mines de la Californie et de l’Australie, il se serait déprécié davantage, on énonce une contre-vérité absolue ; il eût été à craindre au contraire que l’or ne pût pas suffire à lui seul à tous les besoins. C’est encore aujourd’hui la préoccupation de beaucoup de gens et une objection en sens inverse qu’on fait valoir pour le maintien du double étalon : si vous démonétisez l’argent, dit-on, vous allez priver la circulation d’un de ses agens essentiels ; êtes-vous sûr que le seul métal que vous garderez pourra suffire ? Déjà les mines d’or s’épuisent, elles ne produisent plus autant qu’autrefois ; le rendement de 700 à 800 millions par an de 1853 à 1860 est tombé à 500 millions, et rien ne dit qu’il ne tombera pas plus bas. Or une production annuelle de 500 millions par an, qui est destinée à se répandre dans le monde entier et qui devra réparer les pertes causées par le frai et fournir aux usages de l’industrie et de l’art, n’est assurément pas