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ou 78 milles carrés. Il en est de même, bien que dans une moindre mesure, des Indiens qui habitent le territoire de la baie d’Hudson Au contraire les pays les plus peuplés sont précisément ceux où la nourriture est de beaucoup le plus abondante. On a dit que quiconque fait pousser deux brins d’herbe là où il n’en poussait qu’un auparavant est un bienfaiteur de la race humaine : que dirons-nous donc, s’écrie M. Lubbock, de ce qui permet à un millier d’hommes de vivre plantureusement là où un sauvage trouverait à peine à subsister d’une façon misérable et précaire ? N’oublions pas enfin de signaler cette conquête graduelle de la science sur la mort, à qui elle a disputé une part notable de la vie humaine. En moins d’un siècle, par une meilleure hygiène, par une meilleure nourriture, par l’allégement des gros travaux mécaniques où les machines le suppléent, par une moindre usure de ses forces et une réparation mieux entendue, l’homme a gagné près de onze ans sur les tables de mortalité. Entre 1790 et 1870, la vie moyenne s’est trouvée reportée en France de vingt-huit à trente-neuf ans. Est-ce donc une chimère de dire que la condition de l’homme sur la terre s’est sensiblement améliorée et que sa victoire sur la nature n’a pas été stérile ? Et qui sait quelles nouvelles conquêtes sont réservées au génie de l’homme dans cette immensité des forces connues ou inconnues dont il est déjà en partie le maître ?


II

Mais n’y a-t-il de progrès vérifiable que dans le domaine de l’activité scientifique, économique, industrielle ? Nous ne le pensons pas, bien qu’à vrai dire ce soit la partie la plus apparente, la moins contestée du progrès. Malgré des controverses passionnées, qui peut douter que de siècle en siècle, dans la moyenne de l’humanité civilisée, les institutions politiques et les relations sociales n’aillent en s’améliorant ? Pour mettre en lumière cette forme du progrès avec tout le relief qu’elle comporte, il ne faudrait pas moins qu’une esquisse d’histoire universelle ; mais l’expérience comparée sur la marche des peuples modernes et les inductions les plus probables sur les origines et les développemens des nations ont établi cette loi que le progrès des institutions est intimement lié au progrès scientifique et industriel. Sur ce point, l’histoire est d’accord avec le raisonnement, et l’on peut dire que les faits n’ont été ici que de la logique réalisée. Dès que la vie humaine s’est sentie elle-même, elle a reconnu le besoin d’être garantie, et ce besoin est devenu de plus en plus impérieux. D’autre part et en même temps la conscience de l’homme s’est éveillée. La personne, une fois affranchie de la