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modestement en présence de son père. N’était ce ministère et le travail herculéen qu’on y poursuit depuis tant d’années, on ne verrait pas aujourd’hui, 16 juin 1873, se presser à la petite porte du Reichstag des députés-venus des rives du Rhin et de celles de la Vistule, des bords de l’Eyder et du pied des Alpes. Suivons-les ; les profanes sont admis sans difficulté dans la maison. Il suffit de parler au suisse, qui vous délivre poliment une carte et, contre quelques groschen, un plan de la salle : le nom de chaque député y est écrit à la place qu’il occupe, et des couleurs variées marquent les divers partis politiques ; c’est donc le guide indispensable de l’étranger dans le parlement de l’empire.


I

La salle des séances ressemble à toutes celles que l’on connaît. Au-dessous du président, la tribune ; des deux côtés de la tribune, un long balcon où prennent place les plénipotentiaires des gouvernemens alliés, membres du Bundesrath ou conseil fédéral ; en face, sur des bancs disposés en cercle, les députés. Le Bundesrath et le Reichstag sont donc en présence l’un de l’autre ; les mandataires des princes font face aux mandataires du peuple, ils ont seulement de meilleurs et plus hauts sièges, comme il convient à leur dignité. Le public des tribunes n’est ni nombreux ni élégant. On aperçoit de rares toilettes dont les couleurs sont étonnées de se trouver ensemble ; mais en général on vient ici sans cérémonie : la robe de ma voisine est couverte de taches, et ses gants sont certainement troués depuis six mois.

Déjà M. le président Simson est au fauteuil. Il s’y tient debout, les mains derrière le dos, tout semblable d’attitude au dernier président du sénat français. Il attend les députés, comme c’est l’usage des présidens. Les députés arrivent un à un, et le public, le plan sous les yeux, les suit jusqu’à leurs places. Que de couleurs sur ce plan ! On en compte jusqu’à huit : huit partis différens dans le premier Reichstag de l’empire ! En vérité ce serait beaucoup, si c’étaient là de vrais partis, à programmes arrêtés, opposés les uns aux autres ; mais nous allons bien voir, en les passant en revue, qu’ils ne sont pas déjà si redoutables. Une de ces couleurs, le jaune indien, se retrouve dans toute la salle, où elle marque une vingtaine de sièges. Ce sont ceux des députés non classés ; on les appelle familièrement les Wilden, c’est-à-dire les sauvages. N’appartenir à aucun parti, c’est un rêve honorable, mais qui témoigne d’une certaine jeunesse dans la vie parlementaire. Ce groupe se fondra quelques jours dans les autres : à la fin de la première session, il