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longs sarmens et de larges feuilles qui cachent entièrement le sol, les vignes attaquées n’offrent que de chétifs sarmens dépourvus de vrilles, et un maigre feuillage laissant à découvert une partie du terrain. Avant l’automne, les ceps malades ont des feuilles jaunes qui ne tarderont pas à tomber, et, quand ailleurs les raisins devenus noirs présentent les signes de la maturité, ils ont ici conservé la teinte rouge primitive. Le cercle des arbustes qui dépérissent s’étend à vue d’œil ; suivant la comparaison d’un membre de la Société d’agriculture du département de l’Hérault, M. Gaston Bazille, au milieu du champ c’est une tache qui s’élargit à la manière de la goutte d’huile. Un peu plus tard, le vignoble, naguère magnifique, présente l’aspect de la dévastation. Qu’on arrache les vignes plus ou moins affectées du mal, on remarquera sur les radicelles des nodosités caractéristiques que M. Planchon a signalées dès le début des recherches. Si la plante est fortement endommagée, les radicelles étant détruites, de semblables nodosités apparaîtront sur les racines moyennes, et enfin jusque sur le pivot de la souche et les grosses ramifications. Autour de ces excroissances, déterminées par une succion continue, se voient groupés des phylloxères en nombre très variable. Il n’en est plus ainsi des vignes mourantes ; entièrement abandonnées par les phylloxères, les racines se trouvent pourries. Ce n’est pas tout de suite que se révèle la présence de l’insecte destructeur : la végétation n’est pas sensiblement affectée par la piqûre de quelques individus ; tant que les radicelles persistent, on est trompé. Pendant les premiers mois de l’invasion, des propriétaires favorisés d’une merveilleuse récolte contemplent avec une joie sans mélange le domaine qui l’année suivante offrira le spectacle de la. misère.

Rien ne paraît plus indispensable que de connaître parfaitement notre ennemi. À ce sujet, nos lecteurs préféreront à des notions vagues des indications précises. Les agriculteurs qui essaient de conjurer la mauvaise fortune, les personnes qui ont accordé une certaine attention aux récits des ravages causés par le phylloxère, doivent croire que le terrible animal est une sorte de puceron, pour les naturalistes un représentant de la famille des aphidides. Ce n’est pas exact. La désignation générale de puceron, employée soit par suite d’un défaut de connaissances scientifiques, soit dans le dessein de donner une idée de l’aspect et des proportions de l’espèce nuisible en la rattachant à une forme bien connue, est fautive ; elle conduit à l’erreur tout esprit cherchant à s’éclairer à l’aide des analogies. Le phylloxère n’est pas de la famille des pucerons. De bien longs détails ne seront pas nécessaires pour donner à chacun la véritable nature de cet insecte, et quelques renseignemens