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le baron de Bunsen, attentif, inquiet, réduit à juger les coups sans prendre part au combat et irrité de son impuissance.


II

Il faut indiquer d’abord l’état général de l’Allemagne et la situation respective des combattans. Dès la fin d’avril 1849, la réponse du roi de Prusse au vote de l’assemblée nationale, son refus d’accepter l’empire de la main des représentans du peuple, avait provoqué du nord au sud une agitation immense. Le parti révolutionnaire ne devait pas laisser échapper une pareille occasion. Il y eut comme une levée d’armes simultanée en Prusse, en Saxe, en Bavière, dans le Wurtemberg et dans le grand-duché de Bade. Des émeutes éclatèrent dans les villes prussiennes des bords du Rhin, à Crefeld, Elberfeld, Dusseldorf, et jusqu’en Westphalie, à Iserlohn. Le gouvernement prussien, avec une armée fidèle à l’ordre, n’eut pas de peine à écraser ces insurrections ; il se trouva même assez fort pour porter secours aux états voisins. La Saxe était en grand péril : le roi, qui se refusait énergiquement à reconnaître la constitution de Francfort, avait été chassé de Dresde par la révolution. Attaqué le 3 mai par des corps-francs et des gardes nationaux, il avait été obligé de s’enfuir la nuit suivante avec son ministère, et s’était réfugié dans la forteresse de Kœnigstein, d’où il avait invoqué l’assistance de la Prusse. Le lendemain, un gouvernement révolutionnaire est installé à Dresde ; les citoyens Tzschirner, Heubner et Todt ont pris la direction du mouvement ; le réfugié russe Bakounine est chargé d’organiser la défense, et de tous les points du royaume des bandes viennent grossir son armée. De son côté aussi, l’armée prussienne est en marche, elle arrive le 6 mai devant les murs de Dresde, et après trois jours d’une lutte acharnée la voilà maîtresse de la ville. Heubner et Bakounine sont pris, les autres meneurs ont pu s’échapper ; ils poursuivent déjà leur œuvre au milieu des insurgés de Bade et du Palatinat. Depuis une semaine, en effet, tout le Palatinat est en feu : le 1er mai, une assemblée populaire, après avoir voté la séparation du Palatinat et de la Bavière, a institué un gouvernement provisoire, établi une garde civique, et adressé partout de frénétiques appels. On y répond de la campagne et des villes du Rhin ; des forteresses même, de Landau, de Germersheim, accourent des troupes de déserteurs, et une petite armée se forme tumultueusement sous les ordres d’un ancien officier autrichien, M. Fenner de Fenneberg, qui avait pris part à la révolution de Vienne en octobre 1848. Du Palatinat, l’insurrection gagne le duché de Bade. En vain le grand-duc a-t-il reconnu la constitution de Francfort et donné à son pays un régime libéral, les