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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/337

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que la force des choses associait bon gré mal gré à la conspiration révolutionnaire et qui va sombrer avec elle. C’est à peine si l’ami de Frédéric-Guillaume IV trouve un motif de consolation dans ces victoires, qui, donnant à la Prusse une sorte de protectorat sur les états allemands, devront faciliter l’organisation de la communauté germanique, pourvu que le roi se décide à vouloir. Sur ce point, il n’a plus d’illusions ; il n’attend rien ni du ministère ni du roi. Toutes ces victoires, quelques services qu’elles rendent à la cause de l’ordre, seront funestes à la cause de l’Allemagne. Telle est la complication des choses que le roi de Prusse, en écrasant, comme il le doit, les insurrections de Bade et du Palatinat, travaille en réalité pour l’empereur François-Joseph. La Bavière, le Wurtemberg, vont retrouver, grâce à la Prusse, la liberté de leurs mouvemens, mais ce ne sera pas pour se jeter dans les bras du libérateur ; en ce temps-là, tout ce qui contribuait à réprimer la révolution profitait à l’Autriche. La tristesse de Bunsen, si l’on tient compte de ses idées, atteste une parfaite clairvoyance.

La répression fut terrible. Après que l’armée badoise, forte de 15,000 hommes environ, sous les ordres de Mieroslawski, eut été battue d’abord à Waghaeusel (20 juin), puis à Durlach (29 juin) et aux bords de la Murg (30 juin), la forteresse de Rastadt résista seule jusqu’au 29 juillet. Dès le commencement du mois, le pays était aux mains de la Prusse. Les conseils de guerre se mettent à l’œuvre. Plusieurs des chefs de l’insurrection sont fusillés, entre autres M. de Truschler, membre de l’assemblée nationale, M. Tiedemann, gouverneur de Rastadt, M. Eisenhans, rédacteur du Festungsbote, M. Böning, qui avait combattu en Grèce pour la cause de l’indépendance. Un écrivain de renom, poète et romancier, Gottfried Kinkel, est condamné aux travaux forcés à perpétuité. Un des vétérans de la démagogie, Hecker, établi depuis plusieurs années aux États-Unis, était parti en toute hâte sur l’appel du gouvernement révolutionnaire de Bade ; il arrive à Strasbourg le 16 juillet pour apprendre que tout est perdu. Il repart, il va retrouver sa ferme d’Amérique sans avoir pu seulement mettre le pied sur le sol de l’Allemagne. Les vaincus de la veille suivent le même chemin. En général, les démagogues allemands n’attendent pas qu’on les envoie sous escorte dans un autre hémisphère, ils vont d’eux-mêmes chercher au-delà des mers une vie nouvelle et un travail réparateur ; c’est un avantage sur les nôtres. Brentano, Struve, Sigel, beaucoup d’autres encore, s’embarquent pour le Nouveau-Monde. Quant aux soldats, aux sous-officiers, c’est en Suisse qu’ils se retirent, et ils n’en sortiront qu’au jour de l’amnistie. Ainsi l’armée de la révolution est entièrement dissoute, il n’en reste plus ni chef ni soldat. Le prince de Prusse, après avoir rendu à la Bavière le