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au point de vue de l’Allemagne. qu’au point de vue de l’Europe… Toute fusion violente des races allemandes, toute subordination absolue d’une des races principales à une autre porterait en elle le germe de notre dissolution intérieure, et serait le tombeau de notre existence nationale… Le maintien de l’ancien droit, c’est-à-dire du droit positif et de la fidélité aux traditions historiques qu’on ne peut méconnaître et qui finissent toujours par avoir le dessus, peut seul nous assurer force, durée et salut dans les orages de notre époque. Moi et les gouvernemens qui sont mes alliés dans cette question, nous voulons conserver à la nation son droit naturel à la représentation de l’ensemble. Nous ne voulons pas élever un nouvel édifice politique des débris de notre ancien droit ; nous voulons au contraire donner à la confédération une forme nouvelle qui soit en harmonie avec l’esprit de l’époque. Nous voulons accorder les justes prétentions de la Prusse avec les intérêts généraux de l’Allemagne. Si pourtant nous sacrifions nos intérêts particuliers, ce n’est pas à telle ou telle puissance que nous faisons ce sacrifice, c’est à l’ensemble, à la patrie. Nous ne voulons être ni Autrichiens, ni Prussiens ; nous voulons, par le Wurtemberg et avec le Wurtemberg, rester Allemands. »

Ces belles paroles sont le manifeste d’un parti qui aurait eu certainement nos préférences, si nous avions eu le droit de prendre part à ces débats ; il est permis de regretter que ce parti, expression de l’Allemagne vraiment allemande, n’ait pas été en mesure de maintenir sa bannière entre les prétentions rivales de la Prusse et de l’Autriche. Regrets inutiles, je le sais, les faits ont suivi un autre cours, l’histoire du moins doit garder le souvenir de ce langage, qui fera toujours grand honneur au roi de Wurtemberg, L’impression en fut très vive en Allemagne, et bien diverse, on le devine, suivant les régions et les partis. Le cabinet de Berlin s’en irrita si fort qu’il crut devoir interrompre ses relations diplomatiques avec le cabinet de Stuttgart. Le prince de Schwarzenberg fut plus habile ; il ne vit dans ce discours que ce qui devait servir la cause de l’Autriche. Si les sentimens particularistes, comme disent les Allemands, exprimés par le roi de Wurtemberg n’étaient pas faits pour lui plaire, ils n’étaient pas non plus de nature à l’inquiéter gravement. Le prince de Schwarzenberg s’appliquait d’ailleurs à faire croire aux souverains des états secondaires que le gouvernement autrichien était leur protecteur naturel et contre les menées démagogiques et contre les ambitions prussiennes. Il savait bien que ces effusions particularistes n’empêcheraient pas le Wurtemberg, la Bavière et la Saxe de se tourner vers l’Autriche le jour où, par le mouvement inévitable des choses, les situations se trouveraient simplifiées. Il se borna donc à une sorte de conversation diplomatique avec le