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l’action de l’Autriche, M. de Schwarzenberg est libre de faire dans la Hesse tout ce que la diète commandera. Voilà en deux mots la signification de ce moyen terme qui consistait à occuper les routes d’étapes. Malheureusement l’ordre arriva un peu tard dans la matinée du 9 novembre. Le prince de Tour et Taxis, qui arrivait à la tête des troupes fédérales, rencontra l’armée prussienne à Bronzell, près de Fulda. Les Prussiens étaient très excités depuis qu’ils avaient appris la convocation de la landwehr. C’est la guerre, disaient les officiers, nous n’en serons plus à nous retirer devant les Autrichiens et les Bavarois. Dès que les troupes fédérales furent en vue, il n’y eut pas besoin de signal, les coups de fusil partirent. Des chasseurs autrichiens tombèrent sous les balles prussiennes. Ce ne fut pas même, on le pense bien, un engagement d’avant-postes. Le télégraphe de Berlin venait de prescrire de nouveau la plus grande circonspection au général de Grœben. L’armée prussienne dut se retirer, les Autrichiens et les Bavarois entrèrent à Fulda sans coup férir. C’est ce que les Allemands du sud, pour se moquer des Prussiens, appelaient alors la célèbre bataille de Bronzell. Des Prussiens même, dans un sentiment d’ironie amère, répétaient ce mot sanglant et le jetaient comme une injure à M. de Manteuffel. Vainement les amis de M. de Manteuffel ont affirmé plus tard que c’était là un fait tout militaire, que les généraux prussiens n’avaient pas de forces suffisantes, qu’ils se sont retirés pour éviter une lutte inégale ; rien n’est plus contraire à la vérité. Ces ordres et ces contre-ordres tenaient aux fluctuations de la politique étrangère. Un des chefs de corps, le général de Bonin, chargé d’opérer la retraite de Bronzell, a dit à ce sujet des paroles que l’histoire a retenues. L’ordre lui ayant été transmis par un officier d’état-major qui allait repartir avec des dépêches pour le gouvernement, il lui donna cette commission : « dites à Berlin que je voudrais avoir devant moi dix mille Bavarois de plus et ne pas avoir de télégraphe derrière moi. »

Le lendemain de la « bataille de Bronzell, » la réponse du prince de Schwarzenberg aux propositions du 3 novembre arrivait enfin à Berlin. Au lieu des remercîmens, auxquels s’attendait M. de Manteuffel, c’était une sorte d’ultimatum. L’Autriche, avant de mettre bas les armes et de se concerter avec la Prusse sur la réorganisation du pouvoir central, exigeait impérieusement des garanties qui se résumaient dans ces trois points : 1° dissolution de l’union restreinte, 2° reconnaissance de la diète, 3° évacuation de la Hesse. À ces conditions elle consentirait à ouvrir des conférences ministérielles, dans le genre de celles qui avaient eu lieu à Vienne en 1819, en se réservant toutefois de soumettre les décisions de cette assemblée à la ratification de la diète. Si la Prusse n’acceptait pas ces conditions,