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Dans les premières années de son exercice, Pasion a pu céder un jour à une tentation qui s’est trouvée trop forte pour lui ; mais, quelle qu’ait été l’issue de ce procès, les embarras que lui avait causés l’effort tenté pour s’approprier le bien d’autrui durent le convaincre, intelligent comme il était, que le plus sûr calcul, c’était encore de se recommander par une probité scrupuleuse. Rappelant, une quarantaine d’années plus tard, les origines de cette fortune, très humble à ses débuts, Démosthène disait, sans crainte d’être contredit : « Pasion obtint la confiance ; c’est une chose merveilleuse et rare, chez les hommes qui travaillent sur le marché et qui s’occupent du commerce de l’argent, que de paraître à la fois actifs et honnêtes. » Sa maison devint la première d’Athènes ; les citoyens les plus riches et les mieux posés, tels que Timothée, le fils de Conon, tels que Callistrate d’Aphidna, lui remirent leurs fonds ou lui empruntèrent de l’argent. Plus d’une fois il avait eu l’occasion de rendre à l’état, avec toutes les apparences du désintéressement, d’importans services pécuniaires ; il obtint donc aisément le titre de citoyen. Nous connaissons les dispositions que prit le banquier avant de se retirer et l’inventaire qui fut dressé après sa mort. Sur l’héritage qu’il laissa à ses fils et à sa veuve, sur les différentes valeurs dont se composait le patrimoine, sur les contestations auxquelles donna lieu le partage, les renseignemens abondent, et celui qui veut les résumer et les grouper n’a que l’embarras du choix.


III

Nous possédons, dans le recueil des discours attribués à Démosthène par son premier éditeur alexandrin, le poète Callimaque, jusqu’à huit plaidoyers qui ont été prononcés par Apollodore, le fils aîné de Pasion, et un neuvième, où cet Apollodore est vivement attaqué par le successeur de son père, Phormion. Par l’un de ces discours, nous apprenons incidemment que Pasion était encore à la tête de sa maison en 372, et par un autre qu’il mourut en 370, après une longue et douloureuse maladie. C’est donc dans ce court intervalle que, se sentant âgé et déjà souffrant, il mit ordre à ses affaires et régla l’avenir avec une sagesse qui fait honneur à son jugement.

L’employé principal de la banque n’était point alors, comme on aurait pu s’y attendre, ce Kittos qui y remplissait les fonctions de caissier au temps du procès contre le fils de Sopæos. Peu de temps après, Kittos quitta son premier patron ; profitant de leçons prises à si bonne école, il s’établit pour son compte. Chez Pasion, il avait été remplacé par un autre commis, lui aussi d’origine étrangère et