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été mise aux voix. La question, ramenée aux termes du possible, se resserrait donc entre les conditions et les formes diverses d’une prorogation également admise par toutes les fractions modérées de l’assemblée. C’est sur ce point précis et pratique que s’engageait le vrai débat au sein de la commission des quinze, de cette commission qui n’a point eu tout le succès que méritaient ses efforts.

De quoi s’agissait-il donc ? Il y avait deux propositions différentes, sinon absolument opposées : — l’une, celle de la majorité de la commission, admettant la prorogation réduite à cinq ans, subordonnant cette prolongation de pouvoirs aux lois constitutionnelles et ne la reconnaissant comme définitive qu’à partir du vote de ces lois, — l’autre, la proposition primitive du général Changarnier et de la minorité de la commission, donnant à la prorogation un caractère définitif dès ce moment, admettant le vote prochain des lois constitutionnelles sans en faire une condition. Qu’est-il arrivé ? Le jour où le grand débat s’est ouvert, la proposition de la majorité de la commission, habilement développée par M. Laboulaye, a disparu, c’est la minorité qui l’a emporté, c’est la minorité de la commission qui s’est trouvée être la majorité dans l’assemblée, et des considérations diverses ont dû contribuer à ce dénoûment. La plus grave de ces considérations a été sans doute l’intervention de M. le président de la république lui-même, qui ne parle pas beaucoup d’habitude, mais qui depuis un mois a multiplié les messages. Au premier instant, on a cru voir dans cette intervention un moyen d’enlever le vote, l’acte d’un dictateur imposant ses volontés, réclamant un pouvoir sans conditions et sans réserves. C’était une méprise évidente, comme il s’en produit souvent dans les assemblées livrées aux impressions soudaines. M. le maréchal de Mac-Mahon n’imposait rien ; il avait été interrogé, et il répondait : il disait que la prorogation pouvait être de sept ans, que dans tous les cas elle devait être indépendante de toute « condition suspensive, » de toute réservé résolutoire. C’était en un mot la septennalité décrétée en principe dès ce moment pour être régularisée, organisée aussitôt que possible par les lois constitutionnelles reconnues nécessaires. L’opinion de M. le président de la république n’avait rien de dictatorial, rien d’impératif, elle n’avait pas moins l’autorité du nom et de la situation de M. le maréchal de Mac-Mahon.

Tout a servi la prorogation pure et simple, même la manière dont elle a été combattue par certains orateurs, par les plus habiles. M. Jules Simon, M. Jules Grévy, ont certes déployé de l’éloquence, de la verve ; ils n’ont pas vu seulement qu’ils allaient contre leur but. Lorsque M. Jules Simon s’est évertué à prouver qu’on ne faisait rien, qu’on voulait tout simplement se donner du temps pour faire en sept ans ce qu’on n’avait pu faire en trois mois ou en trois ans, il ne s’est pas aperçu qu’il rassurait, qu’il justifiait d’avance ceux qui, sans l’avouer,