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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/77

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impartialité. Les cours souveraines souillaient l’opposition chez les magistrats des juridictions inférieures, les sommant quelquefois d’obéir aux arrêts par elles rendus et menaçant de décréter de prise de corps ceux qui ne s’y soumettraient pas ; mais le conseil du roi finissait presque partout par l’emporter. Les divisions et les conflits existant entre quelques-unes de ces cours de justice affaiblissaient d’ailleurs beaucoup leur autorité. Les parlemens étaient en guerre ouverte avec le grand-conseil, et la lutte éclata surtout à partir de 1731 ; elle se prolongea pendant quarante ans. Le gouvernement voulut d’abord opposer ce grand-conseil à la puissance redevenue menaçante du parlement de Paris. Il songea à en faire un auxiliaire du conseil d’état en le transformant en une véritable section de ce conseil, le lardant, comme dit le marquis d’Argenson, de conseillers d’état et de maîtres des requêtes ; mais plus tard, vers 1760, le grand-conseil, malgré le concours qu’il avait prêté aux ministres et aux intendans, fut abandonné aux ressentimens des parlementaires pour s’être montré lui-même trop exigeant. Tous les membres donnèrent leur démission en 1765 sans réussir à obtenir du roi que la cour rivale respectât l’intégrité de leurs attributions. La résistance que les hautes cours judiciaires tentaient d’opposer aux intendans était d’autant plus insuffisante qu’il n’existait pas de ces cours partout où se trouvaient des chefs-lieux d’intendance. Devenus sédentaires depuis Richelieu et bien plus assidus à leurs fonctions, que les parlementaires ne l’étaient à leurs audiences, ils avaient l’œil sur tout ce qui se passait. Les instructions qui leur sont données dès le commencement du règne de Louis XIV leur enjoignent de veiller à ce qu’il ne s’organise aucune cabale contre le roi ; ils surveillent les menées du clergé, les élections qui se font dans les monastères. Instrumens de l’intolérance de l’ancien régime, ils sévissent avec rigueur contre les protestans et les jansénistes. Toute la police est entre leurs mains ; ils ont dans leurs attributions aussi bien la surveillance de l’esprit public que la police du roulage, celle qui se rattache au commerce, à l’hygiène publique. Ils sont en un mot des fonctionnaires très analogues à nos préfets. Le pouvoir qu’ils exercent en fait de véritables gouverneurs, substitués aux titulaires, encore environnés du prestige qui s’attachait à leur dignité et à leur naissance, déployant le faste et gardant la fierté de grands personnages ; les intendans, sous des dehors plus modestes et dans une situation que la haute noblesse tenait pour indigne d’elle, avaient conquis toute l’autorité, et, plus soumis à la couronne, centralisaient le pouvoir sans lui porter ombrage.

Paris était placé dans des conditions trop exceptionnelles pour que l’intendant qui y résidait pût exercer une aussi grande autorité