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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/797

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ni pitié, elle prétendit faire de l’enfant subitement un homme, et fit de l’homme un enfant hébété, brutal, volontaire, à la fois un débauché et un dévot. Ses deux passions du moment, écrit-on vers 1770, sont de monter à tous les clochers pour sonner les cloches et de faire rôtir des marrons ! On imagine ce que devint Parme lorsqu’à ce néant vint s’ajouter l’humeur violente et fantasque de l’archiduchesse Marie-Amélie. Don Ferdinand avait du moins laissé l’habile ministre de son père, du Tillot, poursuivre son administration hardiment réformatrice; il n’avait écouté ni ceux qui criaient à l’impiété, assurant que du Tillot ne faisait pas maigre le vendredi, ni les organes d’un parti soi-disant national, qui s’indignaient de se voir gouvernés par un étranger. L’infante, beaucoup moins sage, s’avisa de vouloir, aussitôt arrivée, être à elle seule tout le gouvernement et renvoyer du Tillot. Son éducation, à elle aussi, avait été singulièrement incomplète et superficielle : il est curieux de voir ce qu’était devenu dans la cervelle de cette sœur de Marie-Antoinette le peu qu’elle avait saisi au passage des maximes politiques et morales de son temps. Voulant faire preuve de naturel et de simplicité, elle détruisit tout ce que la cour de Parme avait conservé d’étiquette ou de tenue extérieure et traditionnelle. Ayant entendu dire que, pour gouverner, il faut « connaître les hommes, » elle prenait ce dernier précepte au pied de la lettre, et ordonnait qu’on laissât entrer tout le monde dans ses appartemens, pêle-mêle et sans nulle distinction. « Elle fait manger tout cela avec elle, dit un contemporain, et répète trente fois le jour qu’elle veut apprendre à connaître les hommes! Les gardes du corps entrent au bal chez l’infante, s’assoient au jeu, dansent avec les princes; ainsi font les huissiers et jusqu’aux valets. La clôture même des couvens ne l’arrête pas, et elle exige, quand elle les visite, qu’on laisse entrer derrière elle, en dépit du scandale, sa suite et ce qui s’y rattache, hommes du peuple, ouvriers ou soldats. » Son mari, loin de la diriger et de la retenir, ne savait qu’exécuter ses volontés; il mettait ces mots en tête de ses ordonnances : « nous voulons, ma femme et moi... » et, quand il avait signé quelque mesure trop excentrique, il s’excusait auprès de ses ministres en rejetant la responsabilité sur elle. Le désordre s’accrut au point que les cours protectrices de Parme durent nommer à l’infant des tuteurs pour gouverner à sa place, et d’abord de concert avec du TIllot. Ce furent le marquis de Chauvelin et le comte de Durfort, envoyés par le roi de France, puis don Llano, venu d’Espagne. Marie-Thérèse n’hésita pas à s’associer à ces efforts; elle persista jusqu’au bout à soutenir contre si fille et son gendre leur ministre réformateur. Au même temps, la reine de Naples avait aussi des querelles avec son ministre Tanucci, autre