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portante de la Corse et du Comté d’Avignon, on aurait lieu d’être surpris si, après n’avoir essuyé de notre part ni obstacle ni reproche dans ces occasions, il se croyait permis d’en user autrement à notre égard dans la présente circonstance. »


On peut mesurer, à ses expressions de sincère répugnance tout d’abord et à son conseil de donner en dédommagement à la Pologne deux provinces qu’elle n’estime du reste qu’à leur médiocre valeur, à ses efforts ensuite pour expliquer la résolution prise, quel sentiment profond Marie-Thérèse avait de l’entière injustice d’un acte tel que le démembrement de 1772, Si nous avançons de quelques mois, vers l’époque irrévocable de la signature du traité public de partage et au-delà, son langage n’est plus le même. Il ne s’agit plus de récriminations ni de remords : il faut faire maintenant son métier de souveraine ; il faut tirer le meilleur parti possible des nécessités politiques, et parer aux conséquences dangereuses du fait accompli. Si l’on a dû, malgré tout, accepter une part, il faut qu’elle ne soit pas inférieure à celle des autres. Sur ce point, Marie-Thérèse n’obtient pas tout ce qu’elle voudrait, et ses lettres abondent en doléances désormais intéressées, jusqu’à celle du 1er février 1773, où elle prononce cette parole précieuse à recueillir parce qu’elle résume avec une égale sincérité les deux pensées qui l’animent : a j’ai été toujours contraire à cet inique partage, si inégal ! »

Au lendemain d’un tel épisode, il fallait se garder de tout le monde, de ses nouveaux comme de ses anciens alliés. Il pouvait arriver qu’une intrigue du roi de Prusse entraînât la France, et que celle-ci, s’autorisant de la faute commise par l’Autriche, fût tentée d’abandonner son ancienne politique. Le cabinet de Vienne entendait bien mettre en jeu tous les ressorts contre un tel danger. Marie-Thérèse y aidera de tout son pouvoir en provoquant au besoin à Versailles l’intervention de sa fille. Là règnent encore la Du Barry et son ministre d’Aiguillon. La faiblesse de ce gouvernement a laissé faire le partage ; il ne faut pas qu’il s’avise maintenant de reprendre quelque énergie en présence des résultats inévitables. C’est en raisonnant de la sorte que Marie-Thérèse en vient à souhaiter deux choses : d’abord pas de changement dans le ministère français. « Il est plutôt avantageux que contraire à nos-intérêts, écrit-elle à Mercy le 2 août 1773, que le duc d’Aiguillon reste à son poste, du moins jusqu’à l’arrangement final des affaires de Pologne. Doué de peu de génie et de talens, sans crédit, harcelé sans cesse par les factions, il se trouve peu en mesure de nous susciter des embarras. Notre besogne serait bien plus difficile, si le duc de Choiseul, tout bien intentionné qu’il était jadis, se trouvait encore en