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veux blanchissent par interruption de la sécrétion pigmentaire. Ce trouble général de la nutrition et solidairement des sécrétions est accompagné d’une décroissance de la température du corps et d’anémie. Les chairs se dessèchent, et l’organisme devient de moins en moins capable de résister aux causes morbides. En même temps et par suite du retentissement de toutes ces perturbations sur le cerveau, les facultés psychiques s’émoussent ou se pervertissent, et le malade tombe dans un marasme plus ou moins aggravé et compliqué d’accidens redoutables. C’est dans ces conditions qu’il meurt ou qu’il se tue.

Deux organes sont souvent affectés d’une manière particulière et caractéristique dans le cours de cette évolution pathologique : ce sont l’estomac et le foie. Les modifications qui surviennent dans l’innervation sous l’influence de l’ébranlement de l’encéphale provoquent en effet un trouble de la circulation sanguine dans le foie, trouble tel que la bile, sécrétée en quantité plus considérable, est résorbée par le sang au lieu de se déverser dans la vésicule biliaire. Il survient alors ce qu’on appelle la jaunisse ou l’ictère. La peau devient blême, puis jaune, par suite de la présence des matières colorantes de la bile dans le sang. Cette altération du foie ne se développe d’habitude que lentement. Quelquefois cependant on a vu l’ictère apparaître presque subitement. Villeneuve rapporte le fait de deux jeunes gens qui à la suite d’une discussion mirent l’épée à la main; tout à coup l’un d’eux devint jaune, et l’autre, effrayé de cette transformation, laissa tomber son arme. Le même auteur parle d’un prêtre qui devint ictérique en voyant un chien enragé se précipiter sur lui. Quoi qu’il en soit, les affections pénibles de l’âme comptent parmi les causes productrices des maladies chroniques du foie.

L’état digestif, dit l’auteur d’un ouvrage publié il y a quelques années[1], est complètement sous l’influence de l’état moral et intellectuel. Quand le cerveau est fatigué par les passions, il n’y a plus ou presque plus d’appétence et de digestion. Toutes les causes de tristesse et de terreur altèrent ainsi l’estomac d’une façon plus ou moins profonde. En temps d’épidémie, aux époques de guerres civiles, dans toutes les conjonctures sociales où quelque péril extraordinaire menace les hommes, les dyspepsies deviennent fréquentes et graves. Cette affection prédomine la plupart du temps au milieu du cortège des symptômes variés de dépression et de dépérissement que les douleurs morales font apparaître. Les conséquences pathologiques immédiates de l’aberration nutritive, dont la

  1. Beau, Traité de la dyspepsie.