Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/866

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Edward Bowdich met hors de doute l’origine éthiopienne de ce Peuple. Le roi des Achantis, comme les souverains éthiopiens, ne mange jamais en public, il vit retiré dans les profondeurs de son palais, et c’est un crime puni de mort de s’asseoir en sa présence. Hérodote raconte que les Égyptiens mangeaient dans la rue, mais que pour toutes les autres fonctions naturelles ils se tenaient cachés dans leurs maisons; ces coutumes se retrouvent chez les nègres achantis, et, circonstance bizarre, on ne les rencontre pas chez d’autres races noires. Les prêtres d’Egypte portaient des habits d’une blancheur éblouissante, nourrissaient des animaux sacrés ; le souverain nègre et ses dignitaires portent des vêtemens blancs les jours de fête, et les sorciers entretiennent des crocodiles énormes qu’ils nourrissent avec des poulets blancs.

Quelle que soit l’origine des Achantis, il est certain qu’ils diffèrent de la race nègre autant par le courage et les mœurs que par l’intelligence. Ils connaissent le tissage, la broderie, la poterie, la fabrication des cuirs, l’art de travailler les métaux, l’orfèvrerie, et jusqu’à l’architecture. Un oiseau se trouve peint souvent sur la façade des maisons, sur les armes; est-ce l’ibis des Égyptiens? Une preuve que le beau est compris à Coumassie, c’est que tout prétendant frappé d’un défaut corporel est exclu du trône. Les femmes de la famille royale peuvent s’abandonner aux caprices les plus fantaisistes, même avec leurs sujets de race inférieure, pourvu qu’ils soient beaux et très bien constitués. La descendance légitime par la femme est la conséquence de cette tolérance accordée aux reines; ainsi au roi succèdent d’abord ses frères comme issus de la même mère, puis les enfans de sa sœur.


II.

La lutte que l’Angleterre se voit obligée de soutenir en ce moment contre les nègres de la Côte d’Or, et dont nous raconterons tout à l’heure en détail l’origine, a remis sur le tapis une question qui a été souvent agitée : les colonies africaines valent-elles la peine d’être gardées au prix des sacrifices qu’elles coûtent périodiquement en hommes et en argent? M. Bright, l’adversaire le plus décidé de la politique coloniale actuellement suivie, a de nouveau recommandé l’abandon des postes militaires entretenus à grands frais sur ces côtes malsaines, au milieu de peuplades réfractaires à la civilisation; à l’entendre, le trafic avec l’intérieur n’en prospérerait que mieux. Ses conseils ne sont pas restés sans écho dans la presse; mais ils sont peu conformes au sentiment public. Si le climat meurtrier de ces contrées empêchera toujours les settlements de prendre une importance analogue à celle de l’empire indien, on ne peut cependant