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Versailles, on se perd en conflits inavoués ou en négociations plus ou moins habiles, on semble croire que le dernier mot de la politique est de jouer aux combinaisons de majorité, de faire des ambassadeurs, de nommer laborieusement des commissions ou de répondre à des interpellations. Le malheur est qu’on s’agite plus qu’on n’agit, que la question essentielle reste en suspens, et que la France reste indécise parce qu’elle sent que tout est indécis dans ses affaires, parce qu’elle comprend que, si elle a échappé aux crises violentes qui pouvaient la menacer il y a quelque temps, elle n’est point sortie d’une situation qui en est encore à se préciser et à se définir elle-même. En d’autres termes, pour rester dans le vrai, on peut dire que c’est une sorte de désarmement momentané, une trêve où les partis sont toujours en présence ; ce n’est point jusqu’ici une solution ou du moins ce n’est qu’une demi-solution dénuée de garanties, provisoirement livrée à toutes les fluctuations d’une assemblée souveraine et profondément divisée.

Quoi donc ! dira-t-on, un vote solennel n’a-t-il point créé le mois dernier un gouvernement auquel on a voulu justement donner la durée et la stabilité ? La prorogation des pouvoirs du maréchal de Mac-Mahon n’est-elle pas le gage le plus sérieux pour le pays ? Cette septennalité qu’on vient de décréter n’est-elle pas un bail à long terme accordé à tous les intérêts, à l’industrie, à l’agriculture, au travail sous toutes les formes ? Maintenant la France rassurée n’a point à craindre le lendemain, on peut se mettre à l’œuvre, les affaires peuvent reprendre leur essor. Sans nul doute, cette septennalité est une garantie des plus sérieuses contre les crises de tous les jours. Le nom de M. le président de la république est de ceux qui ne rencontrent que l’estime dans l’opinion du pays, et on peut dire que par lui-même, par le chef qui le personnifie, le gouvernement, placé au-dessus de toutes les contestations, accepté, respecté, a une force réelle ; il a la force que lui donnent le caractère, la loyale renommée, l’intégrité connue de l’homme qui le représente devant le pays et devant l’Europe. Rien de mieux ; mais la question n’est pas là seulement. Il ne suflit pas de conférer à M. le maréchal de Mac-Mahon une présidence septennale pour que cette stabilité, assurément précieuse, désirable, qu’on a voulu créer, soit devenue aussitôt une réalité précise et définitive. Ce gouvernement, quel est-il ? Fondé en principe pour sept ans, il ne saura lui-même ce qu’il est et ce qu’il peut être que lorsque les lois constitutionnelles le lui auront dit. Jusque-là, il est auprès d’une assemblée souveraine dont il reste le mandataire à la fois inviolable et impuissant. Ce gouvernement, en un mot, ne peut tirer son efiicacité réelle, son caractère et sa signification que des lois qui l’organiseront, de la politique par laquelle il se manifestera dans l’indépendance qui lui sera faite, ce qui revient à dire que pour le moment la septennalité n’est qu’une apparence, et voilà pourquoi le sentiment