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du lendemain de Sadowa. Au fond, la pensée incessante du cabinet de Berlin était d’arriver à provoquer une démonstration collective qui, en constatant l’union officielle du midi avec le nord, aurait irrévocablement engagé l’Allemagne du sud. Bade, sinon par ses populations, du moins par son gouvernement, était entièrement acquis à la Prusse, et allait au-devant d’une annexion immédiate. La résistance était plus vive à Darmstadt ; elle ne laissait pas aussi de se manifester à Munich et à Stuttgart dans une certaine mesure et sur certains points. Il y avait en 1868 à Munich une réunion de délégués du nord et du sud pour examiner les moyens de fortifier la partie la plus faible de l’Allemagne, la trouée entre Rastadt et la Suisse. Bade, inspiré par la Prusse, proposait de faire en commun, c’est-à-dire sous la direction de Berlin, ces travaux de fortification qui devaient embrasser Rastadt, Ulm, la Forêt-Noire. La Bavière et le Wurtemberg refusaient absolument de se livrer ainsi et maintenaient leur droit exclusif de décider ce qu’il y aurait à faire. C’était l’indice d’un esprit persistant de méfiance et d’hostilité dont la Prusse comptait bien avoir raison. Les états du sud, en se défendant comme ils pouvaient, sentaient bien eux-mêmes qu’ils ne pourraient pas résister longtemps, peut-être pas au-delà de deux ou trois ans, surtout s’ils n’étaient pas soutenus. D’où pouvait leur venir un secours ? La France les avait abandonnés en 1866, et elle avait l’air de se désintéresser de leurs affaires.

La diplomatie française, entre 1866 et 1870, semblait avoir pour mot d’ordre de s’abstenir à l’égard de l’Allemagne du sud. Pour éviter le danger d’une apparence d’intervention qui aurait pu blesser ou exciter le sentiment allemand, on tombait dans l’excès contraire. On poussait la réserve jusqu’à l’affectation ; on avait toujours l’air de décourager les états du sud, de ne pas vouloir se mêler de leurs affaires. Un diplomate français, que M. le duc de Gramont connaît peut-être, disait à un des principaux hommes politiques du sud qui s’étonnait de cette attitude : « Une grande nation comme la France ne peut parler sans être prête à l’action, et elle ne doit pas agir sans être certaine de dicter la paix aux portes de Berlin. » À quoi l’homme politique du sud répondait : « Comme on ne sait jamais le résultat de la guerre, cela veut dire que vous ne voulez ni parler ni agir, et qu’au lieu de préparer les événemens vous préférez les subir. » Avec un peu d’habileté et de prévoyance, on aurait pu fortifier ces états contre la prépotence prussienne, profiter de ces sentimens sympathiques, de ces besoins d’appui qui se manifestaient discrètement, et se ménager des intelligences, des facilités précieuses dans une circonstance décisive. Il aurait fallu du temps, une politique attentive et suivie. Pour le moment, au point extrême où l’on arrivait sans transition, brus-