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ordres n’avaient jamais cessé d’invoquer depuis 1357, ils demandèrent pour les états-généraux le droit de se réunir tous les trois ans et de voter périodiquement l’impôt ; ils réclamèrent en outre la création d’un conseil permanent de finance, composé de membres élus par les députés et pris dans leurs rangs. Ce conseil, qu’ils nommaient conseil de raison, comme pour protester contre les folies des précédens règnes, devait centraliser la moitié des recettes en laissant l’autre à l’entière discrétion du roi, et régler en même temps la moitié des dépenses. Henri IV était trop habile pour heurter de front ceux qu’il appelait « ses chers enfans ; » il promit de convoquer les états-généraux et décréta l’établissement du conseil de raison ; mais, comme ses prédécesseurs, il ne cédait au vœu populaire qu’avec la ferme volonté de l’éluder, et il s’en remit à Sully du soin de rendre le conseil impossible. Celui-ci s’acquitta fort habilement de cette étrange mission : il accabla les conseillers de tant de dossiers, de chiffres et de besogne qu’au bout de quelques mois ils demandèrent à être relevés de leurs fonctions, ce qui leur fut accordé sur-le-champ ; la couronne rentra, suivant le mot consacré, dans toutes ses prérogatives, et elle en usa pour le bien général.

En 1597, les revenus ordinaires et réguliers figuraient sur le papier pour 25 millions ; en réalité, ils étaient loin d’atteindre ce chiffre. Des sommes importantes étaient absorbées par les frais de régie ou détournées par les comptables ; quand le trésor avait soldé les arrérages de la dette et payé les gages des officiers, il restait à peine 9 millions pour les dépenses générales, y compris celles de l’armée. Henri IV embrassa d’un coup d’œil la gravité de la situation, et, secondé par Sully, qu’il avait appelé au contrôle des finances en 1597, il poursuivit l’œuvre de réparation avec une sagesse qui fit oublier à ses sujets la promesse qu’il avait faite au début de son règne de demander aux états-généraux le vote de l’impôt ; il ne changea rien au vieux système, mais dans les réformes de détail il fit preuve de la plus haute intelligence. La paix était à peine conclue avec l’Espagne que l’armée était réduite à 8 000 hommes : les contributions arbitraires que les gouverneurs des provinces avaient établies pendant les troubles et qu’ils percevaient à leur profit furent supprimées. Les impôts, affermés de la main à la main au tiers et à la moitié de leur valeur réelle, furent mis en adjudication publique, ce qui procura sur le bail des fermes une augmentation considérable ; la comptabilité, que les officiers des finances embrouillaient à dessein pour détourner l’argent du trésor ou le faire valoir à leur profit, fut soumise à un contrôle sévère. Une vérification attentive de l’origine et de la légitimité de la dette publique amena une forte