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Il suffit de jeter un coup d’œil sur cette carte pour reconnaître que le passage complet ne sera visible que dans l’Asie orientale, l’Australie et les mers du sud. Dans une partie de l’Afrique, en Turquie, en Grèce, dans la Russie méridionale, on verra encore la sortie ; mais l’entrée aura lieu avant le lever du soleil. Dans une région assez étendue de l’Océan-Pacifique, on ne verra que l’entrée de la planète ; le soleil s’y couchera avant la fin du phénomène. Enfin la Terre de la Trinité, au sud du cap Horn, verra le soleil se coucher et se lever de nouveau dans l’intervalle d’environ quatre heures qui s’écoule entre l’entrée et la sortie. S’il était possible d’aborder aux terres australes, par exemple à la terre d’Enderby, à la terre Victoria, ou seulement aux îles Kerguélen, ce seraient d’excellentes stations ; les Anglais ne désespèrent pas de pouvoir s’y installer. La commission du Bureau des longitudes a préféré arrêter son choix sur les îles Saint-Paul et Campbell ; M. Bouquet de La Grye, lieutenant de vaisseau, doit se rendre à l’île Campbell, et M. le capitaine Mouchez, accompagné de M. Cazin, à l’île Saint-Paul. M. Janssen, de l’Académie des Sciences, se propose d’aller à Pékin, et deux astronomes de l’Observatoire de Paris, MM. Wolf et André, iront à Yokohama. On espère que des stations secondaires pourront être établies à Nouméa, Taïti, Bourbon, Saïgon. Les astronomes russes ont désigné vingt-quatre stations où ils comptent s’établir, principalement en Sibérie et sur les côtes de l’Asie. Les Anglais et les Allemands ont également arrêté leurs plans d’observation.

Trois méthodes sont en présence, qui ont chacune leurs partisans : l’observation directe des contacts, la mesure micrométrique des positions de Vénus sur le soleil pendant le passage, enfin la reproduction photographique de l’image du soleil à des intervalles rapprochés[1]. L’observation directe des instans de l’entrée et de la sortie est sans doute ce qu’il y a de plus simple, car elle n’exige qu’une bonne lunette, deux yeux qui sachent voir, et un chronomètre ; mais de ces trois choses, celle qu’on rencontre le moins souvent et qu’il est le plus difficile d’acquérir, ce sont encore les yeux. Il est vrai de dire qu’un observateur exercé et intelligent peut faire mieux avec un mauvais instrument qu’un novice avec un instrument de choix. Les observations par à-peu-près ne sont qu’un fatras qui fait

  1. On trouve un expose très lucide de ces méthodes dans le livre de M. E. Dubois, les Passages de Vénus sur le disque solaire, Paris 1873, Gauthier-Villars. Lorsqu’on veut constater la différence des durées du passage, comme le recommande Halley, il faut choisir des stations qui verront le passage complet ; mais l’on pourra aussi se contenter des différences des instans correspondant à un seul contact, selon la méthode de Délisle. En 1874, on aura des différences de durée de vingt-six minutes, et pour les contacts des différences de vingt minutes de temps.