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flamme secrète et contrainte. La courtisane effrontée et joyeuse qui sourit en épuisant la coupe des voluptés ou qui grimace le rire du fond de ses lassitudes ne saurait soupçonner les révoltes, les délires d’un sang impétueux, condamné à couler sans bruit dans l’ombre, non plus que les élévations d’un esprit qui a triomphé de l’idée de Satan au nom des splendeurs surhumaines du renoncement. Mieux enfin que je ne le pourrais dire, la vertu comprend le remords, puisqu’elle le fuit ! »

Arrêtons-nous sur ce cri superbe, où se révèle une âme d’une hauteur indéniable, et sur ces deux belles pages choisies par nous entre cent autres également éloquentes. Elles nous suffisent amplement pour faire comprendre à nos lecteurs à quel point le livre où elles sont contenues est à l’opposé des œuvres vulgaires.

émile montégut.




LA VÉNUS DE FALERONE

ET LES MARBRES DE MILET AU MUSÉE DU LOUVRE.

On se plaint quelquefois avec raison, le plus souvent à tort, des changemens incessans qui viennent modifier l’ordonnance et la disposition de notre vaste musée du Louvre. Les plaintes sont trop légitimes quand on blâme l’intrusion de la politique dans le domaine des arts ; il est vrai qu’elle y est généralement assez impuissante ; qu’importe après tout que le musée, qui a eu jadis une digne entrée, n’ait plus aujourd’hui que des escaliers de service ou inachevés ? Qu’importe que le musée particulier des Souverains, œuvre d’un régime, ait disparu sous le régime suivant ? Ce qui importe, c’est que l’art sérieux soit toujours dignement représenté, c’est que les progrès de la science et de la haute culture rencontrent au Louvre en même temps un sûr contrôle, une prompte interprétation et par là une direction puissante.

Les riches donations, les achats, la nécessité des attributions nouvelles, viennent dans un tel musée modifier sans cesse les dispositions intérieures. Les collections d’antiques, marbres, bronzes, vases, bijoux, y sont naturellement fort dépendantes du développement de l’archéologie. Il n’est presque plus de voyage scientifique confié à nos jeunes savans de l’école d’Athènes qui ne vaille au Louvre quelques nouveaux objets. Dans le sein même des collections acquises, que de problèmes à résoudre, et, à vrai dire, que de découvertes à faire ! Qui peut calculer ce que perdent les statues grecques à être exposées sur de maigres piédestaux, en nos froides galeries où leur est mesurée une lumière déjà pauvre par elle-même, et pour des spectateurs dont les plus instruits n’entendent peut-être pas la moitié du langage re-