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dans les caisses de l’octroi, qui fait directement toucher à l’échéance. La rivière avec son affluent, le canal Saint-Martin, entre pour une part imposante dans les revenus de la ville ; en 1872, elle lui a rapporté 8 775 587 francs ; à sa façon, la Seine est un Pactole.

Le marché aux bestiaux de La Villette, qui a définitivement pris la place des marchés de Sceaux et de Poissy, n’exige qu’une surveillance attentive, car depuis le 1er janvier 1847 le droit fixe par tête de bétail a été converti en une taxe sur la viande provenant des animaux qui sortent des abattoirs. Si l’on n’y fait point d’opérations directes, on n’en est pas moins fort occupé, car il faut compter les longs troupeaux destinés à notre nourriture, et qu’on force à défiler lentement par les méandres d’un chemin serti de barrières en bois. Le beuglement des bœufs, le bêlement des moutons, le grognement suraigu des porcs, les abois des chiens de berger, font un charivari d’enfer, et les pauvres employés ont souvent bien de la peine à ne point perdre le fil de leur numération. Des chiffres montreront sur quelle masse énorme de bestiaux leur sagacité doit s’exercer. En 1872, les grilles du marché de La Villette ont été franchies par 160 414 bœufs, 47 986 vaches, 160 455 veaux, 1 356 008 moutons, 154 800 porcs, au total 1 979 464 animaux. On les a comptés un à un lorsqu’ils ont pénétré dans les vastes préaux, on les a comptés lorsqu’ils sont sortis des étables municipales pour être conduits à l’abattoir central, qui communique maintenant avec le marché par un pont jeté sur le canal. Mis à mort, dépecés, parés, prêts à être vendus au détail sur les étaux, ces 2 millions d’animaux ont produit 95 808 050 kilogrammes de viande, et 16 228 509 kilogrammes d’abats et d’issues de toute espèce. Les droits sont en proportion avec cette gigantesque consommation ; les abattoirs ont, en 1872, versé à l’octroi la somme de 10 769 288 fr. Est-ce donc là tout ce que Paris absorbe annuellement de nourriture animale ? Non pas, il faut y ajouter la viande, les abats, les issues, la charcuterie, importés directement de l’extérieur et acquittant les droits d’entrée soit aux barrières, soit aux pavillons des halles ; ce genre d’introduction, qu’on appelle la viande à la main, a été représenté en 1872 par 25 229 048 kilogrammes, qui ont produit 3 082 835 francs.

La perception à la sortie des abattoirs est spéciale ; elle n’a lieu que tous les huit jours, le samedi ; comme aux marchands de bois, on donne aux bouchers le temps d’écouler leur marchandise avant de leur réclamer la taxe : cela se nomme le « crédit sous caution. » Les voitures qui font le service des abattoirs aux étaux sont tarées, c’est-à-dire qu’elles ont été pesées ; le poids exact inscrit sur un registre est reproduit en lettres peintes à une place très apparente du véhicule. Dès lors le mécanisme est fort simple : la voiture chargée passe