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II.

Jusqu’ici, il n’a été question que de l’introduction première du phylloxera de l’Amérique en Europe ; voyons maintenant comment ses colonies européennes ont progressivement élargi l’aire de leur extension et pris en moins de cinq ans les proportions d’un malheur public. À cet égard, on peut encore considérer comme un pur accident local la présence de l’insecte dans les serres de l’Angleterre, de l’Irlande, dans quelques pépinières de l’Allemagne (Celle, Erfurt), dans la collection de Klosterneuburg, près de Vienne. En Portugal, grand centre de production de vins de prix, nous ne savons exactement dans quelle étendue est infectée la région dont Oporto est le centre ; toutefois cette étendue est assez grande pour qu’on puisse y voir un foyer très menaçant pour la péninsule ibérique tout entière. En France, deux foyers ont apparu d’abord sur deux points distans, mais l’un et l’autre en des régions dont la vigne est la principale richesse, le sud-est de la France et le Bordelais. Pour suivre en quelque sorte de l’œil l’extension rapide du premier foyer, il n’y a qu’à consulter les cartes qu’un jeune savant, M. Duclaux, professeur à la faculté des sciences de Lyon, a publiées dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, dont il était le délégué. Représentées par une teinte spéciale, les surfaces infestées d’une année à l’autre se multiplient et s’agrandissent. En 1865, c’est, d’après des indications rétrospectives et peu précises, un seul point, près de Pujault (Gard), sur la rive droite du Rhône. En 1866, ce point est devenu une large tache couvrant Pujault, Roquemaure, s’avançant vers Villeneuve-les-Avignon sur la même rive ; de plus Vaucluse offre neuf foyers disséminés, les Bouches-du-Rhône en offrent deux, l’un près de Saint-Remy, l’autre en pleine Crau, entre Saint-Martin et Raphèle. En 1867, une large tache couvre Vaucluse et une partie du Gard, une autre les Bouches-du-Rhône des deux côtés de la chaîne des Alpines ; en 1868, tout le cours du Bas-Rhône est envahi, principalement sur la rive gauche, depuis Grignon et Pierrelatte dans la Drôme jusqu’aux Martigues (Bouches-du-Rhône), avec une pointe remontant la vallée de la Durance jusqu’au voisinage de Lourmarin ; 1869 voit les deux taches réunies et en même temps s’étendant vers le nord jusqu’au-delà de Donzère, vers l’est jusqu’aux confins d’Aix en Provence, vers l’ouest presque jusqu’aux portes de Nîmes ; enfin des points d’attaque isolés, véritables colonies d’avant-garde, se montrent à Loriol et Crest (Drôme) vers le nord, à Ollioules et Toulon vers l’est, à Lunel-Viel, à Saint-Gely du Fesc, dans l’arrondissement de Montpellier (Hérault). Depuis lors le mal a tou-