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des racines de petits renflemens ou nodosités de forme et de grosseur variées. Or les études récentes de M. Cornu, conduites avec le plus rigoureux esprit d’observation, confirment à cet égard, par les détails les plus précis, des faits que j’avais sommairement exposés ; elles montrent que lai nodosité se développe fatalement sous la piqûre de l’insecte, qu’elle en est la conséquence directe, qu’elle nourrit pendant quelque temps un groupe de phylloxeras, après quoi la putréfaction s’en empare, et les phylloxeras abandonnent cette nourriture altérée, les uns se transformant en insectes ailés qui sortent du sol et s’envolent, d’autres se portant sur des radicelles nouvelles où leur piqûre produit de nouvelles nodosités, d’autres attaquant les divisions plus grosses des racines et se joignant aux myriades d’insectes aptères qui par leurs piqûres rapprochées produisent sur ces racines une hypertrophie de l’écorce, aboutissant en définitive à la pourriture humide de la racine tout entière. Une dernière preuve encore de l’effet directement nuisible du phylloxera, c’est le fait suivant rapporté par M. Duchartre. M. Malcolm Dunn, jardinier à Powerscourt (Irlande), ayant dans ses serres des vignes phylloxérées, les a déplantées, en a nettoyé les racines de tous les insectes, et les replantant dans une terre nouvelle, non infectée, les a vues reprendre leur vigueur normale. N’est-ce pas là l’expérience la plus concluante, et peut-on opposer à un tel fait des raisonnemens a priori ?

En résumé, sur les racines d’une vigne quelconque, plantée en vase ou en plein air, jeune ou vieille, vigoureuse ou faible, on peut faire développer à volonté par la simple intervention du phylloxera les phénomènes caractéristiques de l’action destructive de cet insecte. Donc l’insecte est vraiment cause de la maladie qui porte son nom, au même titre que le sarcopte est cause de la gale chez l’homme ou le cysticerque cause de la ladrerie chez le porc.

Cette assimilation avec le sarcopte de la gale humaine vient à propos pour nous rappeler le danger des conceptions fausses sur la vraie nature des maladies parasitaires. Pendant des siècles en effet, la médecine a considéré la gale comme une maladie constitutionnelle qu’on avait la prétention de guérir par des traitemens internes aussi variés qu’impuissans. Ce n’est que lorsqu’on est venu à regarder l’acarus comme la vraie cause de ce mal, et qu’on l’a traité à l’extérieur par des substances insecticides, qu’on est parvenu à le supprimer presque entièrement dans les casernes, les hôpitaux, partout où l’agglomération des hommes favorise la propagation des parasites.

Cela veut-il dire que les parasites eux-mêmes soient absolument indépendans de certaines conditions de milieu et qu’ils se développent également sur tous les sujets, qu’ils les affectent d’une façon