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Mettre en mouvement un corps d’armée pour occuper les hauteurs de la rive gauche de la Sarre, qui dominent Sarrebruck, où il n’y avait qu’un bataillon prussien et trois escadrons de uhlans, canonner la ville, descendre un instant en territoire ennemi sans y rester, c’était ce que le maréchal Lebœuf appelait une « jolie affaire presque sans pertes, » ce que l’empereur, dans son bulletin de famille, représentait à son tour comme « le baptême du feu » pour le prince impérial, assistant au spectacle sur les hauteurs de la Sarre. À Paris, on avait la légèreté lamentable d’écrire dans le journal officiel : « Notre armée a pris l’offensive, franchi la frontière et envahi le territoire de la Prusse. » On était au 2 août. Malheureusement l’aventure de Sarrebruck avait un lendemain qui n’était pas l’invasion du territoire de la Prusse. Ici en effet les affaires allaient devenir aussi pressantes que sérieuses aux deux principaux points de la ligne, en Alsace comme sur la Sarre.


IV.

Que se passait-il d’abord en Alsace ? Le maréchal de Mac-Mahon, qui, au moment de la déclaration de la guerre, était gouverneur de l’Algérie, n’avait pu arriver à Strasbourg avant le 24 juillet. Il avait trouvé en pleine formation, assez peu débrouillé encore, le corps dont il venait prendre le commandement, qui se composait de quatre divisions d’infanterie sous les généraux Ducrot, Abel Douay, Raoult, de Lartigue, et de la division de cavalerie du général Duhesme. Les réserves rejoignaient lentement et en désordre. Six régimens d’Afrique, zouaves et tirailleurs algériens ou turcos, qui devaient être distribués entre les quatre divisions, arrivaient un peu moins incomplets que les autres, mais assez dénués eux-mêmes et de plus, fort éprouvés par les fièvres qu’ils portaient de l’Algérie avec eux. Les services administratifs manquaient là comme partout, de sorte que, lorsque la division Ducrot recevait le 26 juillet l’ordre de quitter Strasbourg et de se porter à Reichshofen pour pousser les avant-postes jusqu’à la frontière, l’organisation était loin d’être complète ou même suffisante. On se tirait d’affaire comme on pouvait avec l’aide du maire de Reichshofen, député au corps législatif, M. le comte de Leusse, qui ne laissait pas de témoigner sa surprise inquiète au général Ducrot en comparant la réalité qu’il avait sous les yeux aux déclarations qu’il venait d’entendre à Paris. Quel rôle devait remplir le 1er corps dans la guerre qui commençait ? D’une manière générale sans doute, il avait à couvrir l’Alsace. Après cela le maréchal de Mac-Mahon n’avait en réalité aucune initiative dans l’ensemble des opérations. Par lui-même, il ne savait rien de l’ennemi, et il n’était nullement renseigné par le quartier-général de