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vons la suivre, soit dans la série de ses rapports à la cour de Rome, soit dans ses correspondances avec les divers ambassadeurs du saint-siége au dehors, ou bien encore dans ses lettres écrites aux gouverneurs des villes italiennes pour réclamer d’eux des subsides, ou à ses frères, qu’il charge de missions privées. Les premières mesures et bientôt les résultats suprêmes ne répondent cependant pas à ses sages conseils. François Ier, au lieu de se hâter, écoute les négociations dont l’occupe habilement Charles-Quint, très vite rendu à la plus active vigilance ; l’argent manque pour lever les troupes suisses ; on ne sait pas obtenir des Grisons qu’ils ferment aux bandes allemandes leurs passages. En Italie, on met à la tête des armées de la ligue le duc d’Urbin, représentant égoïste et incapable des intérêts particuliers de Venise ; son incurie l’empêche de pousser activement l’entreprise qui devrait délivrer Milan. Bientôt le connétable de Bourbon vient s’enfermer dans cette ville, pendant que les terribles lansquenets approchent. Il faudrait, en allant se placer entre eux et les impériaux, empêcher leur jonction. Les chefs allemands n’ont pas l’argent nécessaire pour payer leurs troupes : il faudrait profiter contre eux de l’indiscipline de ces reîtres au lieu de la laisser grandir en un danger nouveau pour l’Italie. Rien de tout cela n’est fait. Guichardin presse inutilement, luttant lui seul d’activité avec l’empereur, et montrant à tous le péril. À Roberto Acciaiuoli, le représentant du pape en France, il écrit : « Nous ne voyons paraître ici ni Suisses ni Français. Les bonnes paroles ne suffisent pas, il faut des effets ; autrement cette entreprise est, je ne dis pas menacée, mais ruinée ; pour avoir voulu nous opposer au triomphe de César, nous l’aurons porté à son comble, nous aurons de nos mains édifié la monarchie universelle. Ne vous contentez pas d’insister et d’importuner, mais criez au ciel pour que les secours nous arrivent, sinon c’est fait de nous, actum est de nobis, et le roi de France se repentira trop tard, à son grand détriment et déshonneur, de nous avoir laissés succomber. » Aux Vénitiens il mande : « Je ne suis point homme de guerre, et peut-être la forte volonté de délivrer l’Italie de cette intolérable servitude étrangère me rend-elle plus ardent qu’il ne convient ; je vois cependant beaucoup de nos capitaines penser comme moi, et croire que, si les Suisses doivent tarder encore, il faut attaquer sans eux, et qu’à délivrer Milan nos forces pourront suffire. » Au pape, que les premiers revers semblent abattre, il affirme qu’il n’y a pas lieu de désespérer encore du roi de France ; si le duc d’Urbin s’est mal conduit jusqu’à ce jour, il faut corriger sa marche en se plaignant aux Vénitiens, qui ont après tout les mêmes intérêts que les autres membres de la ligue dans cette guerre. « Votre sainteté a grand’raison d’être mécontente, dit-il ; mais ce n’est pas faire office d’homme que de s’épouvanter et de se