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subsister dans l’église universelle des églises locales, établir l’unité de liturgie, latiniser toutes les églises catholiques de l’Orient, — par des condamnations successives resserrer la croyance, écarter toute velléité de libéralisme, bien montrer qu’il n’y a dans l’église catholique qu’une seule école de théologie, — par le dogme de l’immaculée conception, habilement surpris et rendu obligatoire, sans qu’il y eût eu un vote des évêques, créer un précédent qui jusque-là n’existait pas, savoir un dogme, non formulé dans l’Écriture sainte, non défini par les conciles, et pourtant devenu de foi parce que le pape l’avait promulgué en face d’évêques simples assistans, — par le Syllabus frapper un coup plus fort encore, mettre le catholique dans l’alternative ou de se séparer du centre de l’unité (pour lui crime sans égal), ou de se soumettre à la plus formelle condamnation de tout ce qui constitue la raison moderne, — puis, après avoir ainsi consommé l’anéantissement moral de l’église, l’appeler pour signer son abdication, pour reconnaître que le pape sans le concile peut tout ce que jusqu’ici il n’avait pu qu’en union avec l’église assemblée, rendre ainsi inutiles les conciles futurs, fermer la bouche à tout catholique qui oserait recourir à des distinctions et soutenir encore les principes d’un Gerson, d’un Bossuet, — voilà ce qu’un homme a fait de notre temps. Certes, si le catholicisme ultramontain doit triompher un jour, Pie IX aura mérité le nom de grand, même Grégoire VII ne pourra lui être comparé ; mais si, comme nous le croyons, l’ultramontanisme est une voie sans issue, Pie IX sera jugé sévèrement. On le considérera comme le destructeur du catholicisme, et l’on fera dater de lui le moment où des lézardes fatales se seront produits dans l’édifice. Pie IX a plus fait, dans l’histoire du catholicisme que Richelieu et Louis XIV dans l’histoire de France. De même que Richelieu et Louis XIV ont écrit d’avance les traits essentiels de la révolution, de même Pie IX a décidé que le catholicisme périrait révolutionnairement, — par excès de pouvoir, par exagération des principes. Après Pie IX, rien n’est plus possible dans l’église. Or l’histoire nous montre que toute force se brise quand elle atteint son maximum, que tout pouvoir qui s’est proclamé absolu tombe, que la punition de l’orgueil commence le jour où l’orgueil est à son comble. Le 18 juillet 1870, Pie IX était déclaré infaillible, sans qu’un seul opposant osât s’inscrire contre cette assertion inouïe. Le 20 septembre 1870, Pie IX perdait ce pouvoir temporel qui est la condition indispensable de la nouvelle papauté rêvée par l’école ultramontaine. Le pape devenait dans le monde une impossibilité. La papauté a voulu se mettre hors de la nature ; il n’y a plus de place pour elle dans le monde des réalités ; il faudrait pour sa résidence une cité divine dans les nuages, un pic