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tait pas troublé par la superstition de la famille. Il avait jadis conspiré lors de la praguerie contre son père Charles VII avec le propre père de cet évêque de Liége ; des frères de ce même évêque, il eut l’un pour beau-frère et pour ennemi capital durant la ligue du bien public, le duc Jean II, un autre pour gendre, le duc Pierre, nous venons de voir comment il se comporta avec ce troisième. Il faut avouer que ce n’est pas précisément une leçon de morale qui ressort de semblables relations de famille, et que le roi mériterait les jugemens sévères qui ont été portés sur sa nature, si les princes du XVe siècle n’avaient pas tous donné le même exemple. C’est l’époque où Richard III venge sur les enfans de son frère les crimes de sa famille et les siens propres contre ses cousins de Lancastre, et tout à l’heure Ludovic Sforza appellera le fils de Louis XI en Italie poux l’aider à usurper le duché de Milan sur son neveu. La conduite de Louis XI trouve donc son explication sinon sa justification dans la morale princière de l’époque. S’il faut le dire d’ailleurs, à le bien observer de près, il est vraiment le moins méchant parmi les méchans ; seulement il nous paraît souvent plus noir qu’il ne l’est, parce que sa malice n’est pas de franc jeu et qu’il l’enveloppe d’une cafardise qui nous laisse une laide impression sur laquelle nous le jugeons.

Louis de Bourbon avait été installé évêque de Liége à l’âge de dix-huit ans ; mais, comme il n’avait pas alors le plus petit commencement d’ordination, et qu’il s’écoula plus de dix ans avant qu’il reçût la prêtrise, sa jeunesse lui pesant sans doute, il employa ce long entr’acte à contracter un mariage avec une princesse de la maison de Gueldres, Catherine d’Egmont. Cette conduite de la part d’un homme qui attendait l’ordination peut passer pour légère, mais les princes de Bourbon de cette époque qui furent revêtus du caractère ecclésiastique firent des prélats assez douteux, témoin son propre frère Charles II, qui, avant d’être duc de Bourbon, avait été archevêque de Lyon, et qui en cette qualité ne se distingua pas par des mœurs d’une rigueur exagérée. De ce mariage naquirent trois fils qu’on désignait alors sous le nom de bâtards de Liége à cause de l’irrégularité du mariage de leur père, et peut-être aussi parce qu’en outre de cette irrégularité les enfans naquirent à une époque postérieure à celle où l’évêque reçut la prêtrise. Est-ce encore à cette circonstance fort exceptionnelle de leur naissance qu’il faut attribuer le mariage tardif de Pierre, l’aîné de ces enfans et la tige des comtes de Bourbon-Busset ? Il avait près de quarante ans lorsque, richement doté par son oncle, Pierre de Beaujeu, il épousa une veuve issue de l’illustre famille auvergnate des d’Alègre. Elle lui porta en dot la seigneurie de Busset, qui était parmi les fiefs de sa maison,