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Du reste, bien que certains viticulteurs des États-Unis parlent déjà du triomphe de leurs vins sur ceux du vieux monde, le mieux à faire pour eux, c’est de songer à leur marché intérieur et de convertir à l’usage du vin les masses croissantes de leur propre population. L’hygiène, la sociabilité même, gagneraient à ce changement de régime : l’eau glacée sous toutes les formes est sans doute pour beaucoup dans la dyspepsie, qui, dit-on, menace l’âge mûr de tout Américain ; les liqueurs fortes ravagent bien plus encore la santé physique et morale de leurs victimes[1] ; le vin seul, dans le cercle de la famille, est une source de joie saine qui pourrait verser de la grâce sur les qualités sérieuses d’un peuple énergique, plus soucieux de chiffres que de poésie, trop enclin peut-être à mépriser chez les nations vieillies de l’Europe les qualités qui manquent à son orgueilleuse jeunesse.

En tout cas, ce n’est pas la place qui fait défaut à la vigne pour s’étendre aux États-Unis ; ce n’est pas non plus le nombre de consommateurs qui peut arrêter cette expansion. L’Allemagne par ses flots d’immigrans infuse de plus en plus à ce peuple hétérogène le goût et le besoin du vin. Déjà plus de deux millions d’acres en vignobles ont pu donner, en 1871, 14 millions de gallons de vin ; le seul obstacle est dans le haut prix de la production, et le seul échec possible dans les maladies endémiques, dans les causes de destruction qui compromettent temporairement les récoltes de certaines variétés ; c’est donc à l’étude des ennemis de la vigne que notre attention est naturellement ramenée.


III.

Plus peut-être en proportion qu’aucune autre plante de grande culture, la vigne d’Europe est exposée à des attaques qui en compromettent la santé générale, la végétation ou la fertilité. Sans parler des accidens climatériques tels que gelées, grêles, échaudage, il est des causes plus permanentes d’altération, telles que la mauvaise nature du sol, la stagnation des eaux autour des racines, qui déterminent des maladies plus ou moins caractérisées ; mais en dehors de ces affections générales notre vigne a contre elle une armée d’ennemis vivans qui peuvent se ranger sous deux chefs : les insectes et acariens ampélophages et les cryptogames. Plus variées

  1. D’après M. Bush, il se fabrique encore par an environ 60 millions de gallons de whisky aux États-Unis, mais heureusement la consommation et la production sont en décroissance (en raison de l’usage plus grand du vin). C’est ce que montrent les chiffres suivans de production de cette liqueur dans l’état de Kentucky : dans la saison de 1868-1869, 9 853 173 gallons ; de 1869 à 1870, 6 791 623 gallons ; de 1870 à 1871, 4 millions de gallons.