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décrit par le botaniste Schweinitz comme attaquant parfois les raisins américains. Néanmoins, par un phénomène étrange, mais que l’exemple du phylloxéra explique en partie, il se trouve que cette cryptogame américaine sévit sur la vigne d’Europe cultivée en Amérique avec une prédilection marquée, tandis qu’elle est excessivement rare sur les vignes indigènes. Voilà donc un nouvel exemple à joindre à bien d’autres d’une parasite qui, presque inoffensive pour les plantes qui l’ont nourrie dans sa patrie, devient désastreuse pour une espèce étrangère, et qui n’acquiert son entier développement que sur cette même espèce dépaysée et soumise à des conditions spéciales de culture. Sous ce rapport, comme aussi par son premier mode d’introduction en Europe (dans les serres à raisin du voisinage de Londres), le phylloxéra reproduit à beaucoup d’égards l’histoire de l’oïdium.

Bien différent de ce dernier malgré des similitudes d’aspect, est le faux oïdium d’Amérique, le peronospora viticola. Son apparence est aussi celui d’une moisissure ; mais, tandis que l’oïdium recouvre à la fois les pampres entiers, tiges et feuilles, sur leurs deux surfaces, ainsi que les fruits, le faux oïdium ne se montre qu’à la face inférieure des feuilles. Il y forme des plaques irrégulières, d’étendue variable, souvent confluentes, non pas grisâtres comme celles de l’oïdium, mais d’un aspect blanc un peu cristallin dû à la demi-transparence des fîlamens qui composent ce feutrage superficiel. Cette moisissure est une proche alliée du peronospora infestans, champignon filamenteux qui végète d’abord dans les fanes de la pomme de terre, puis se fait jour au dehors et envoie à travers le sol humide jusqu’aux tubercules les germes invisibles qui en causent l’altération morbide. Fidèle à ces habitudes de ses proches, le peronospora de la vigne végète dans le tissu de la feuille avant de venir fructifier au dehors ; aussi le résultat est-il le plus souvent une destruction totale du tissu dans les parties attaquées. De là chute des feuilles et souffrance indirecte de la plante entière, y compris les fruits et les sarmens sur lesquels repose l’espoir de la prochaine récolte. Le vrai mildew ou faux oïdium sévit surtout en automne, sur beaucoup de cépages indigènes, sous l’influence de l’humidité froide ; l’oïdium au contraire, d’après M. Saunders, se développerait surtout en Amérique sous l’action de la chaleur sèche, observation qui ne cadre pas exactement avec ce qui se passe à cet égard en Europe.

Si j’ai donné quelques détails sur ces cryptogames nuisibles à la vigne d’Amérique, c’est qu’il importe de connaître ces ennemis au moment où l’importation en grand de cépages des États-Unis risque d’amener en Europe des hôtes si peu désirables et qui pourraient