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serait chose honnête et décente à personne de tel habit. — Le mari, tout ébloui, se sentant la tête rasée, enfroqué comme un moine, se tâte de tous côtés et s’écrie : — Dieu! Est-ce pas moi? est-ce pas Jean? — Sa femme, continuant de l’appeler monsieur avec mille révérences, le manie si bien du plat de la langue qu’il ne se souvient que des moines avec lesquels il avait bu; pour se voir ainsi habillé, il crut que par vengeance divine il était transmué en moine, tellement qu’à cette opinion il voulut courir après eux. « Sa femme, en le voyant si convaincu, le prie de dire une messe pour elle, le conduit à l’église voisine, et lui fait vêtir les ornemens propres à chanter le Requiem. Pendant ce temps, la deuxième commère, qui ne voulait faillir à l’entreprise, en voyant son mari éveillé, lui dit que son compère a pris l’habit religieux, qu’il va dire sa première messe, et elle l’engage à aller lui demander l’absolution. Le mari, quasi malade du regret de trop boire, commence à pleurer ses péchés, va tout de suite à l’église, et, voyant son ami Jean prêt à dire l’office, prend une poignée de chandelles et les présente à deux genoux, demandant le pardon de ses fautes. La troisième commère, qui désirait avoir le prix de la tromperie, avait fait porter son mari le matin dans une bière découverte à l’église, lequel, ouvrant les yeux et se sentant encore des fumées du soir, douta fort bien de sa vie. Ils demeurèrent ainsi dans l’église, se croyant moine, se croyant mort ou se confessant, jusqu’à ce que le soleil un peu plus haut leur eût éclairci la vue, et fait connaître quelles dévotions peuvent engendrer le bon vin et la malice des femmes.

On ne s’attend pas à rencontrer au XVIIe siècle des plaisanteries aussi peu édifiantes ; elles abondent cependant, et nous en retrouvons de la même force à peu près partout dans les recueils destinés « à égayer le pauvre monde. » Il suffira de citer encore l’Écolier qui trompe une villageoise. Cet écolier, mal garni d’argent, passe devant la porte d’une paysanne; celle-ci lui demande d’où il vient : — De Paris, lui dit-il. — Elle entend mal et s’écrie : — Quoi ! vous venez du paradis? — Oui, madame, ma mie, répond l’écolier.

« Lors la villageoise le fit entrer et asseoir, puis lui dit : — J’ai eu autrefois un mari nommé Hans, trépassé depuis trois ans. mon cher Hans, Dieu veuille avoir ton âme; je crois qu’elle est en paradis, car tu étais bon homme. Mon ami, l’avez-vous pas vu là-haut? Le connaissez-vous point ?

— Quel est son surnom ?

« — On ne l’appelait que Hans Bonne Brebis, et est un peu louche.

« — Oui, oui, je le connais.

« — Lors, mon. ami, comment se porte-t-il, ce bon Hans ?