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n’avait qu’à imiter le silence et la réserve de l’évêque de Metz. M. Rœss n’avait pas été certainement nommé député pour prendre l’attitude qu’il a prise. Ses collègues de la députation ont été les premiers à le lui dire ; ses électeurs le lui disent aujourd’hui par le désaveu de ses paroles et par une adhésion spontanée au discours de M. Teutsch, si bien que M. l’évêque de Strasbourg va se trouver sans doute dans une position difficile, exposé à rencontrer plus de faveur à Berlin qu’en Alsace. S’il a obéi à des raisons d’intérêt religieux, c’est une preuve de plus du danger de ces confusions de la politique et de la religion. Ce qu’il y a de mieux après tout pour les évêques, c’est de rester tout entiers à leur ministère spirituel ; ils ne sont pas ainsi exposés à compromettre leur pays par des manifestations irréfléchies, comme cela est arrivé récemment à M. l’évêque de Nîmes, ou à paraître sacrifier un mandat de patriotisme à un intérêt d’église, comme vient de le faire M. l’évêque de Strasbourg. Assurément ce sont là des choses qui nous touchent intimement, qui vont au plus profond du cœur national. La France cependant sait bien la mesure qu’elle doit garder dans l’expression de sentimens qui ne sont pas douteux. Elle reste un témoin sympathique des affaires de l’Alsace, comme elle reste un témoin indépendant et réservé des affaires de l’Europe. Elle a l’intelligence, l’instinct du rôle que les circonstances lui ont fait ; mais de tout cela résulte plus que jamais pour elle la nécessité évidente, impérieuse, d’en venir à se fixer, à s’organiser intérieurement, si elle veut reprendre par degrés une action conforme à ses intérêts et à sa dignité nationale.

Quand les partis se disputent un pouvoir auquel ils refusent soit un nom, soit la durée, soit une organisation définie et stable, ils ne voient pas que c’est le rôle même de la France dans le monde qu’ils affaiblissent. Quelle autorité peut-on avoir lorsqu’il faut se débattre tantôt avec ceux qui préparent des pèlerinages à Chislehurst pour la majorité du prince impérial, tantôt avec ceux qui se réservent un provisoire indéfini où ils espèrent trouver la réalisation de leurs espérances monarchiques, tantôt contre ceux qui attendent d’une circonstance imprévue, d’une défaillance parlementaire, une crise à travers laquelle passerait le radicalisme ? Il y a quelques jours à peine, le ministère a cru devoir donner aux bonapartistes un avertissement sous la forme d’une circulaire adressée aux préfets pour les prévenir qu’il y avait un gouvernement légal, qu’aller en Angleterre saluer le jour de sa majorité l’héritier d’une dynastie déchue serait un acte au moins irrégulier, surtout de la part de fonctionnaires publics. Rien de mieux, bien qu’il puisse sembler étrange qu’on ait à rappeler des fonctionnaires au respect du gouvernement qu’ils servent ou qu’ils représentent. L’avis, d’ailleurs bien modéré, donné aux bonapartistes s’applique sans doute à tout le monde, c’est-à-dire à tous ceux qui, par leurs prétentions de parti ou par leurs