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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/306

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qu’elle est née le 17 septembre 1822, jour de la séance mémorable où Champollion fut admis à lire devant l’Académie des inscriptions et belles-lettres le premier exposé de sa grande découverte du déchiffrement des textes hiéroglyphiques. Sa Grammaire et son Dictionnaire n’étaient pas encore achevés lorsqu’il mourut en 1831, à peine âgé de quarante et un ans, accablé de fatigues et consumé par le travail. Le manuscrit unique de cette précieuse grammaire lui avait été dérobé par Salvolini, et l’on ne connut l’auteur du vol que longtemps après. Le manuscrit, providentiellement retrouvé, fut publié aux frais de l’état. Malheureusement Champollion était mort sans avoir eu le temps de former des élèves. Il n’eut pas d’héritier direct, et, jusqu’à l’apparition du Mémoire sur Ahmès par M. de Rougé, il s’écoula une période de dix-huit ans pendant laquelle les grandes études égyptologiques, dont la base est la science technique du déchiffrement, subirent un temps d’arrêt. La tâche était immense à la mort du fondateur : il restait à étudier les divers dialectes du copte, les lois qui avaient présidé à la dégénérescence de cet idiome, reconstituer l’ancien dialecte en procédant du connu, c’est-à-dire de la langue relativement moderne des manuscrits, à l’inconnu, c’est-à-dire à la langue des âges pharaoniques; il restait encore à trouver la clé du démotique, car Champollion s’était borné à en constater l’existence; il fallait compléter le dictionnaire hiéroglyphique, rechercher, réunir et étudier les manuscrits coptes, source et départ de toute étude ascendante; avant tout, il était nécessaire d’acquérir les principaux instrumens du travail, et de demander au pays des Pharaons des monumens et des textes nouveaux.

Pour aborder, même en une seule de ses parties, un programme aussi vaste, la France n’avait personne alors à placer dans la chaire de Champollion. On appela à ce poste difficile Letronne, qui s’empara de l’Égypte ptolémaïque et donna un excellent enseignement sur la civilisation grecque exportée sur les bords du Nil. Ce n’était pas de l’égyptologie, c’était du moins encore quelque chose de l’Égypte, Dans un ordre d’études également accessoire ou, si l’on veut, parallèle à la science du déchiffrement, M. Wilkinson, en Angleterre, facilitait les voyages en Égypte par ses études d’archéologie descriptive; M. Birch, son compatriote, se faisait connaître par quelques estimables essais de traduction ; enfin M. Lepsius seul, pendant cette période, fit faire un pas à la science du déchiffrement par sa Lettre à Rosellini, imprimée en français dans les Annales de l’Institut de Rome (1837). Cette étude, de cent pages environ, fut la première tentative pour introduire une méthode plus rigoureuse dans l’application de la découverte de Champollion. Malheureusement M. Lepsius en resta là; il utilisa peu depuis lors les rares facultés dont il était doué et le savoir étendu qu’il avait acquis. Il