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distinguait un monument pharaonique de tous les autres monumens, c’est qu’il se composait invariablement de plusieurs pièces. Ce principe, nouveau dans l’archéologie égyptienne, une fois admis, ils se mirent en devoir, lui et l’effendi, qu’il trouva piquant d’employer à cette besogne en qualité d’auxiliaire, de bourrer littéralement les vases creux ou canopes d’une foule de menus objets, puis de superposer quatre ou cinq de ces vases ainsi remplis, en les fixant les uns aux autres, et en ayant soin de retourner tous les couvercles excepté celui du haut : Anubis, dressant ses oreilles, dominait l’édifice, et cet ensemble factice était soigneusement enregistré par l’effendi pour un monument, — de sorte que les deux mille cinq cents objets nouveaux provenant du souterrain et expédiés au Louvre ne formaient que cinq cent treize colis. Mais comment échapper à l’attribution qui devait être faite au gouvernement égyptien de tous ceux que recelaient encore les galeries et les chambres? car on savait que les fouilles étaient plus fructueuses que jamais. Un heureux hasard avait fait tomber entre les mains de M. Mariette un très grand nombre de stèles en blanc qui avaient été préparées dans l’intérieur du Sérapéum pour y recevoir les inscriptions votives des adorateurs d’Apis, et qui étaient demeurées sans emploi. L’ingénieux archéologue se rappela qu’il avait été professeur de dessin ; il imagina de composer et de tracer lui-même avec du noir de fumée, et en s’inspirant des textes authentiques placés sous ses yeux, des figures d’Apis et des caractères hiéroglyphiques ; il y passa plusieurs nuits et s’y prit si adroitement qu’il put donner le change non-seulement aux surveillans, mais à des gens beaucoup plus habiles, et, tandis que les proscynèmes historiques étaient secrètement expédiés à Alexandrie et embarqués pour la France, les stèles factices étaient chargées sur les chameaux, avec les précautions les plus attentives, et conduites au Caire pour y former la galerie pharaonique du vice-roi. Abbas-Pacha ayant témoigné le désir de visiter lui-même ces monumens qui se trouvaient déposés à la citadelle, pour les rendre plus dignes de comparaître devant son altesse, on se mit en devoir de leur donner une sorte de toilette ; on les lava même avec tant de soin que les inscriptions disparurent et que le gouvernement égyptien se trouva ainsi privé des autographes hiéroglyphiques de M. Auguste Mariette.

A la fin de 1852, il reçut du ministère de la maison de l’empereur le montant d’un nouveau crédit de 50,000 francs qui lui permit d’achever en paix l’exploration de la tombe d’Apis. Il avait terminé sa tâche vers les premiers jours de 1853. Le Sérapéum était entièrement déblayé, et tous les monumens transportables qu’il en avait tirés, au nombre de 7,000, étaient au Louvre. Quant aux sarco-