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duit, à cette époque reculée, des œuvres qu’on aurait pu croire, à cause de cette haute antiquité, primitives et informes, et qui n’ont cependant rien d’archaïque, dans lesquelles on rencontre, avec une certaine science de modelé académique, le sentiment de la vérité et de la vie. Le scribe assis du Louvre et le célèbre cheik en bois de cèdre de Saqqarah, que l’on a pu admirer à l’exposition de 1867, la statue de Chephrem du musée de Boulaq, enfin les têtes de Meydoun récemment publiées, nous en offrent, en des genres différens, de curieux modèles. Sous le moyen et le nouvel empire au contraire, l’imitation est remplacée par l’austère convention religieuse; tout devient froid, compassé, hiératique; le dessin est désormais un signe, comme les lettres; les contours en sont prescrits par les lois du temple ; il traduit des dogmes, des pensées, et jamais la nature. La petite tête du bélier, le lion passant de l’anneau de Ramsès, la bague aux coursiers (vitrine centrale de la salle n° 1 du musée Charles X), enfin le diadème et le poignard d’Aah Hotep (musée de Boulaq), nous avertissent seulement de ce que l’art égyptien de cette seconde époque eût pu donner sans les règlemens sévères qui emprisonnaient son génie et arrêtaient son essor.

C’est surtout la XXIIe dynastie, dite Bubastite, qui a été restituée par M. Mariette avec la généalogie de cette famille royale. On peut même dire qu’il a réuni et classé tous les élémens de cette période pharaonique; deux rois nouveaux sont venus y réclamer une large place. La simultanéité, démontrée aujourd’hui, de certains règnes et le parti-pris de Manéthon d’exclure les usurpateurs expliquent les lacunes de ses listes. C’est l’époque des luttes ardentes et des morcellemens, c’est le temps où le prophète Isaïe faisait dire au dieu des Juifs : « J’exciterai l’Égyptien contre l’Égyptien, l’homme combattra contre son frère, l’ami contre l’ami, ville contre ville, royaume contre royaume. » C’est ainsi que le conquérant éthiopien Sabacon (Schéwek), si clairement désigné par Isaïe dans ce passage : «je livrerai l’Egypte aux mains d’un maître sévère, un roi victorieux dominera sur eux, » ne figure pas dans le Sérapéum, parce que Memphis était d’abord restée au pouvoir de ses maîtres indigènes pendant que la dynastie étrangère dominait dans le reste du pays; mais deux Apis de cette dynastie prouvent que la simultanéité des deux gouvernemens ne fut qu’éphémère. Il faut se rappeler aussi qu’à la mort d’un taureau sacré on ne rencontrait pas toujours parmi les bœufs de l’Egypte les signes infaillibles, les marques hiératiques auxquelles on reconnaissait une nouvelle incarnation d’Osiris. Pomponius Mêla a noté la longue attente qui séparait quelquefois ces manifestations divines. Quant à l’anarchie des dodécarques ou, comme on dit communément, des douze seigneurs qui ont précédé immédiatement Psammétichus, elle ne pouvait