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leur justification, dans le sein de la divinité et introduits au partage de la vie éternelle.

Tel est le dogme de l’incarnation d’Osiris, fondement principal de la religion égyptienne, dogme qui est resté debout, entouré du respect et de l’adoration des peuples civilisés de la vallée du Nil pendant plus de trois mille ans, car l’hypothèse de M. Mariette, qui regarde la pyramide à degrés de Saqqarah, avec ses trente chambres intérieures, comme étant la tombe commune des Apis de l’ancien empire, paraît à peu près confirmée aujourd’hui par la découverte récente d’autres textes qui font remonter le culte du taureau divin jusqu’à la seconde dynastie.


III.

Le printemps de 1853 trouva M. Mariette, avec ses ouvriers, au pied des grandes pyramides. Le duc de Luynes l’avait prié de dégager à ses frais la base du grand sphinx des sables qui l’enveloppaient jusqu’aux épaules. Le travail s’acheva en quelques semaines, et l’on reconnut que ce monument célèbre, taillé dans un rocher dont la disposition naturelle avait sans doute suggéré l’idée d’en tirer cette figure, avait été à peine dégrossi à sa partie inférieure. Les artistes de ces âges reculés, — car le grand sphinx est plus ancien, ou tout au moins contemporain des pyramides de Giseh, — avaient seulement donné leurs soins à la tête, dont le caractère grave et la belle expression, appréciables encore aujourd’hui malgré les mutilations qu’elle a subies, font l’admiration de tous les vrais connaisseurs. Quant aux pattes, elles avaient été exécutées en maçonnerie. Le grand sphinx n’avait été dégagé par Caviglia que sur la face antérieure, où l’on avait trouvé trois autels; M. Mariette découvrit son nom, Hor-hem-khu, qu’il est facile d’identifier avec l’Armachis des Grecs. Malheureusement le sable, n’ayant pas été contenu aux abords du monument, a repris son niveau, et le dieu ne laisse voir à ses visiteurs, comme avant la fouille, que sa tête, impassible et sévère comme la vieille civilisation de l’Egypte, dont il est un des plus antiques témoins ; mais la munificence du duc de Luynes permit de faire, à une centaine de mètres au sud-est du grand sphinx, une découverte d’un bien autre intérêt. On mit au jour un édifice tout entier en granit rose d’Éléphantine, dont les piliers carrés sont monolithes et les murs construits en gros blocs irréguliers. Aucune inscription, aucun dessin ne décore les parois ni les colonnes de cet édifice étrange, le plus ancien peut-être qui soit au monde, et dont il est malaisé de déterminer la destination. On a tiré d’un puits, pratiqué dans une des parties de cette construction, l’incomparable statue en brèche verte de Chephrem, le fondateur de