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cérémonie, bien sèche, il est vrai, bien froide, mais qui risquerait fort de devenir puérile ou théâtrale, si on voulait lui donner un caractère plus accentué. Le fonctionnaire municipal, délégué du pouvoir, représentant l’ensemble des citoyens, reçoit, non pas le serment, mais la réponse affirmative des deux fiancés qui veulent vivre légitimement l’un près de l’autre, et au nom de la loi, qui est la sauvegarde et le contrat de la société dont ils font partie, les déclare unis. Cela est suffisant; la pompe grandiose et émouvante appartient à l’église, qui invoquera d’autres idées, mais n’imposera pas d’autres devoirs. Les « bans » ont été publiés et deux fois affichés pendant quinze jours à la porte de la mairie; on s’est muni du consentement légalisé des ascendans, s’ils sont absens, — de leur acte de décès, s’ils ne sont plus; — on a prouvé que l’on n’était parent à aucun des degrés prohibés par le code, on a produit les actes de naissance; on a, en vertu de la loi excellente du 10 juillet 1850, déclaré, en fournissant des pièces à l’appui, que l’on se mariait avec ou sans contrat; les employés ont d’avance libellé les actes, dont les élémens sont entre leurs mains, tout est prêt; le maire a indiqué son jour et son heure; on n’attend plus que les « futurs. »

C’est un samedi qu’il faut aller à la mairie lorsque l’on veut suivre les faciles péripéties d’un mariage; ce jour-là, que les gens du monde ne choisissent jamais, semble réservé spécialement à la classe qui travaille, vit de son labeur et n’a point de temps à perdre; on a le dimanche pour « faire la noce, » — le mot n’est que trop souvent exact dans toute l’acception, — et le lundi on se remet à la besogne. Vers onze heures généralement, les fiancés, leurs parens, leurs témoins, sont réunis; on a amené les enfans de la famille vêtus de neuf, frisés, pommadés, débarbouillés pour la circonstance. Les garçons de noce sont flambans, les mariées, dévisagées par tous les assistans, essaient de prendre un air modeste et n’y réussissent pas toujours. Le maire ou l’adjoint est prévenu; il met en sautoir l’écharpe tricolore qui, aux yeux du vulgaire profane, lui confère seule le pouvoir de prononcer les paroles sacramentelles dont nulle puissance humaine n’a le droit de briser l’effet, il prend à la main un petit livre relié en maroquin rouge et il se dirige vers le prétoire, où une estrade de deux marches soutenant un bureau d’acajou représente le tribunal des unions indissolubles. Un domestique faisant fonction d’huissier l’annonce; il entre, tout le monde se lève; il s’assoit, tout le monde en fait autant. Quelle que soit la saison, quelque froid qu’il fasse, les portes de la salle restent ouvertes à deux battans, car l’acte du mariage est essentiellement public.

Cependant un greffier s’est assis devant un pupitre chargé d’un gros registre qui ressemble de loin à un « grand-livre » de commerce. On appelle un nom, un certain nombre de personnes s’a-