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s’arrêtait l’empereur le 14, puis s’élève par d’étroits défilés pour arriver sur le plateau, à Gravelotte, où elle se bifurque, l’un des embranchemens allant droit sur Verdun par Rezonville, Vionville, Mars-la-Tour, — l’autre aboutissant également à Verdun par Doncourt, Conflans, Étain. Un peu plus loin, un autre chemin, passant entre le fort Plappeville et le mont Saint-Quentin, qui couvrent le sud de Metz, conduit au col de Lessy, à Chatel-Saint-Germain, d’où l’on peut gagner Amanvilliers ou Vernéville. Une dernière route enfin sortant de Metz par l’ouest passe à Woippy, pour se diriger sur Briey, par Saint-Privat-la-Montagne et Sainte-Marie-aux-Chênes, d’où l’on peut revenir sur Vernéville et Doncourt. Toutes ces routes pouvaient être utilisées dans une marche nécessairement difficile et forcément combinée de façon à tenir tête à l’ennemi, si on le rencontrait. La première condition était une extrême prévoyance dans la préparation du passage de la Moselle d’abord, puis dans l’organisation de la marche sur la rive gauche, dans le choix des directions que devaient suivre les divers corps, dans la reconnaissance des routes, dans les dispositions à prendre pour les bagages, pour les convois. Malheureusement on s’était fié sans doute au hasard pour « se débrouiller. » Le désordre se mettait dès la première heure dans cette armée, qu’un officier d’état-major appelait « l’armée de Darius. » Le passage de la rivière ne laissait pas d’être difficile. La traversée de Metz devenait une véritable confusion. Les troupes ne savaient où se diriger et se trouvaient à chaque instant arrêtées. D’immenses convois mal réglés encombraient les routes ; de là les contre-temps et les lenteurs de ce mouvement si compliqué par lui-même, interrompu et troublé par l’affaire de Borny.

Le 2e et le 6e corps, qui étaient partis les premiers le matin du 14 et qui devaient se porter par la route directe sur le plateau, à Gravelotte, n’avaient pas fait beaucoup de chemin dans la journée. Le général Frossard n’avait pu dépasser les hauteurs de Rozerieulles, en arrière de Gravelotte ; le corps de Canrobert se trouvait entre Moulins et Longeville. La garde, appelée à Queuleu pendant l’affaire du 14, ne pouvait commencer son mouvement qu’à dix heures du soir, et au milieu de tous les encombremens elle était à peine au pied des défilés dans la matinée du lendemain. Le 3e et le 4e corps, tout chauds encore du combat qu’ils venaient de soutenir, n’avaient pu nécessairement se replier que beaucoup plus tard dans la nuit. Le 3e corps, qui venait de perdre son chef, le général Decaen, et dont on se hâtait de donner le commandement au maréchal Lebœuf, au major-général de la veille, passait une partie de la journée du 15 à se reconnaître, à reconstituer ses services et à trouver une direction qu’il prenait sur la fin du jour par le col de Lessy, pour ne point aller s’engouffrer sur la route principale de