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non-seulement à ne plus pouvoir se reporter en avant, mais à être assailli, poursuivi, à continuer cette série d’opérations où l’on semblait se débattre sans aucune idée arrêtée, où l’on était réduit à recevoir sans cesse l’attaque, et c’est en effet ce qui allait arriver encore une fois avant que quarante-huit heures fussent écoulées. Les positions assignées à l’armée française ne manquaient point sans doute de force ; elles formaient en avant du mont Saint-Quentin et de Plappeville une ligne assez étendue, couverte par des accidens de terrain. Le 2e corps avait dû se placer à Rozerieulles, faisant face par la gauche aux débouchés des pentes de la Moselle. A la suite de Frossard venait le 3e corps Lebœuf, en avant du col de Lessy, plus loin le corps de Ladmirault à la hauteur d’Amanvilliers. Canrobert, qui avait dû d’abord rester à Vernéville, allait en fin de compte s’établir à l’extrême droite de la ligne, à Saint-Privat-la-Montagne. La garde revenait sur les derrières en réserve sous Plappeville, non loin du quartier-général, qui allait s’établir au Ban Saint-Martin. Pour accomplir ces mouvemens, la journée du 17 n’était pas de trop, et encore tout se ressentait-il de la confusion des services et du découragement que causait la marche rétrograde qu’on exécutait sans savoir désormais où l’on pouvait aller.

Les Allemands au contraire profitaient de cette journée avec une ardeur stimulée par le sentiment croissant d’un avantage auquel ils n’avaient pas cru d’abord. Outre le IIIe et le Xe corps, qui avaient terriblement souffert la veille, ils avaient déjà le 17, sur la rive gauche de la Moselle, le VIIe, le VIIIe et le IXe corps, qui n’avaient été que partiellement et faiblement engagés. Ils pouvaient compter sur la garde royale et le XIIe corps, qui arrivaient à marches forcées. Le IIe corps, qui touchait à Pont-à-Mousson, recevait de son côté l’ordre de se hâter pour arriver au moins le 18. Une grande partie de ces forces se rapprochait le 17, de sorte que dès le soir, dans la nuit, on était de nouveau en présence. Après avoir coupé à l’armée française la route de Mars-la-Tour, les Prussiens tendaient à lui fermer la route de Conflans et d’Étain, même la route de Briey, et de l’enfermer définitivement sous Metz : c’était là leur but, ils le poursuivaient avec plus de 200,000 hommes.

Qu’on se représente cette situation le 18 au matin. Le VIIe et le VIIIe corps prussiens s’avançaient par notre gauche sur les positions de Frossard et Lebœuf. Le IXe corps avait sa direction sur Amanvilliers, où était Ladmirault. Le XIIe corps et la garde, décrivant un mouvement plus étendu, se dirigeaient sur notre droite à Saint-Privat, de façon à déborder notre ligne. Le IIIe et le Xe corps appuyaient la marche générale. Dès le matin, le vieux roi Guillaume, arrivé la nuit de Pont-à-Mousson, montait à cheval pour aller se placer avec le grand état-major allemand au milieu de son armée.