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rigine ousbeg commandent encore dans tous les villages. Si le royaume de Boukharie n’était pas dans un état complet de décadence, il ne lui eût pas été difficile de reconquérir les villes de Balk, de Koundouz et de Maimene, pendant les dix années de guerre civile que l’Afghanistan vient de traverser.

Lorsque lord Dalhousie annexa le Pendjab en 1849, les avant-postes anglais se trouvèrent reportés au pied des montagnes, dans une plaine chaude et insalubre, en regard de peuplades sauvages et indisciplinées. Il ne s’est guère passé d’année depuis cette époque sans que le vice-roi fût obligé de faire marcher ses troupes contre ces voisins incommodes. Pour être conforme à la vérité géographique, l’empire britannique aurait dû s’arrêter à l’Indus, large cours d’eau facile à défendre; mais les Anglais ont pris le Pendjab tel que le vieux sultan de Lahore, Rundjet-Singh, l’avait fait, avec la bande de terrain fertile que ce potentat s’était appropriée récemment au-delà du fleuve. Pourquoi, s’est-on dit plus d’une fois, conserver cette frontière mal tracée? pourquoi ne pas prendre sur les hauteurs de bonnes positions stratégiques? Ce n’est pas seulement une question politique, c’est surtout une question d’hygiène, les troupes européennes y vivraient sous un climat plus sain; mais les souvenirs de la désastreuse retraite de 1842 subsistent encore. On n’a pas oublié que lord Auckland fit entrer une belle armée dans le royaume de Caboul, et que quelques soldats en revinrent à peine; même au milieu des discordes intestines qui ont désolé depuis lors l’Afghanistan, le gouvernement anglo-indien s’est montré passif, presque insouciant. S’il s’est prononcé pour l’un des partis en lutte, ce fut pour le vainqueur, et seulement lorsque la victoire fut bien assurée.

L’émir Dost-Mohamed, que lord Auckland voulut renverser en 1840, ne conserva pas de rancune contre les Anglais pendant les vingt dernières années de sa vie. La révolte des cipayes en 1857 était une belle occasion pour lui de reconquérir la frontière de l’Indus; s’il en eut la tentation, il eut aussi la sagesse de s’abstenir. Non-seulement il était devenu le maître incontesté de l’Afghanistan, qui a joui sous sa domination d’une période de paix inconnue depuis sa mort, mais encore il sut étendre son territoire au nord et à l’ouest. Les Persans avaient souvent revendiqué la ville de Hérat; le dernier fait d’armes du vieil émir fut la prise d’assaut de cette grande forteresse, que les Anglais considèrent avec raison comme un des boulevards de l’Inde du côté de l’Occident, et que, pour le même motif, les Russes auraient voulu voir entre les mains de leur allié le shah. Douze jours après cette victoire, Dost-Mohamed mourut à l’âge de quatre-vingts ans (juin 1863). De ses diverses épouses, il laissait