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gisemens de charbon de terre. Sous la domination musulmane, Bokhara était devenue une grande capitale; on y comptait, dit-on, 360 mosquées; c’était la ville savante de l’Orient et l’entrepôt du commerce entre la Chine et l’Occident. Samarcande, quoique en dehors des routes commerciales, eut un moment de grande splendeur sous Tamerlan et ses successeurs. Si ces deux cités ont beaucoup perdu, la faute en doit être attribuée aux conquérans qui les ont soumises et quelquefois ruinées. La population elle-même a été corrompue par cette longue série de désastres.

Les premiers habitans de la Transoxiane furent sans doute les Iraniens ou Aryens de l’Occident qui vivaient dans la fertile vallée du Zerefchan à l’époque où les Aryens de l’Inde ou Hindous descendaient du plateau de Pamir. Ce fut là, dans cette contrée connue plus tard sous les noms de Sogdiane et de Bactriane, que Zoroastre, prophète et législateur légendaire, enseigna la religion du feu qu’adoptèrent les peuples du Kharism[1] et de la Perse. Les souvenirs de ces époques primitives sont bien obscurs, car il ne subsiste pas dans l’Asie centrale des monumens ou des inscriptions comme dans la Médie et l’Assyrie. Il n’y reste d’autres vestiges de l’ancien temps que des mots géographiques pour révéler aux orientalistes modernes à quelle race appartenaient les premiers venus et quelle langue ils parlaient. A quelle date les Tartares du nord-est, les Touraniens, envahirent-ils pour la première fois ces provinces possédées jusqu’alors par des peuples à peau blanche? Le colonel Rawlinson estime que, de l’an 700 avant Jésus-Christ à l’an 300 de l’ère chrétienne, le Yaxartes fut franchi par des tribus nomades, — les mêmes que les Romains appelaient les Scythes, — et de même origine, suivant lui, que les Finnois et les Hongrois. Ces barbares apportaient une nouvelle religion, le bouddhisme, qu’ils avaient reçue du Thibet ou de la Chine, et qu’ils implantèrent dans le pays conquis. La population aryenne n’émigra pas; elle se soumit au vainqueur. En effet, malgré les invasions plus formidables encore du moyen âge, de nombreux Iraniens habitent toujours les bords de l’Oxus. On les appelle Tadjicks à Bokhara, Sartes à Khiva, où ils vivent dans une sorte de servitude. Dans ces grandes villes, vainqueurs et vaincus se sont plus ou moins mélangés, tandis que dans les âpres vallées des montagnes, dans le district de Badakchan par exemple, subsiste le type presque pur de la race primitive.

Depuis deux mille ans, les Tartares n’ont cessé de gagner du terrain. La ligne séparative entre l’Iran et le Touran, qui fut d’abord le Yaxartes, se trace maintenant à travers le grand désert de sable

  1. Le pays de Khiva, que les géographes grecs appelaient Chorasmia, fut désigné plus tard par les écrivains arabes sous le nom de Kharism que l’usage a fait prévaloir.