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de la gloire qu’il a procurée à son pays ! À travers ces incidens et ces diversions cependant la France reste avec ses intérêts et ses nécessités, avec son désir de voir se préciser une situation où elle puisse sans préoccupation et sans trouble se mettre à l’œuvre qui la touche désormais plus que toutes les autres, au rétablissement progressif de ses forces morales et matérielles.

Cette œuvre militaire, politique, financière, morale même, elle est assurément immense, et ce serait déjà beaucoup de l’entreprendre, de la mettre en bonne voie, après avoir délivré le pays des fléaux de la guerre étrangère et de la guerre civile. M. le vice-président du conseil retraçait justement hier encore une partie de ce patriotique programme qui devrait rester présent à toutes les pensées, qu’on ne peut espérer réaliser, si l’on ne s’y attache avec une certaine fixité et un certain ordre, en sachant éviter de se laisser détourner ou retenir par toute sorte de considérations où se mêlent incessamment les calculs inavoués, les préoccupations personnelles et les fantaisies excentriques. Sait-on ce qui démontre le mieux la nécessité d’une organisation constitutionnelle qui en finisse avec toutes les incertitudes ? C’est que sans cela, avec la meilleure volonté, on tombe dans de véritables confusions, faute d’ordre et de direction. On ne sait pas toujours ce qu’on veut faire. Dès qu’on aborde une question, on semble s’aventurer dans un pays vague où l’on craint de s’avancer, où l’on se croit obligé de tenir compte à chaque pas des réticences des uns, des prétentions des autres, d’un inconnu que tout le monde réserve. Qu’en résulte-t-il ? On met trois mois à étudier, à préparer un projet de loi électorale, sans s’apercevoir de l’incohérence qui éclate dès le premier article. On n’a songé qu’à une chambre des députés, sans s’inquiéter s’il y aura une autre assemblée, comment cette assemblée sera composée. Le rapporteur. M. Batbie, aurait, dit-on, exprimé la crainte que la loi nouvelle ne contentât personne. Ce n’est point impossible, c’est une œuvre assez composite où chaque membre de la commission a mis évidemment son mot, son arrière-pensée, sa préoccupation ou sa précaution.

On s’est proposé d’organiser, de moraliser le suffrage universel, de faire une loi conservatrice, Aura-t-on réussi ? ne dépasse-t-on pas singulièrement le but ? Qu’on exige des garanties pour la constatation du domicile, rien de mieux. Il faudrait pourtant prendre garde : avec ce luxe de formalités poussées jusqu’à la minutie, on agit quelquefois très aveuglément, on ne sait pas qui on élimine, on croit n’exclure que des électeurs qui seraient dangereux, et on exclut ceux à qui on donnerait un double vote, si on le pouvait. — On proscrit le mandat impératif, et on en fait une cause d’annulation du vote, soit encore : seulement on oublie de dire comment sera constatée l’existence de ce mandat, que les intéressés peuvent aisément dissimuler. La chambre sera-t-elle investie