Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/490

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

richesse nouvelle. On est entré jusqu’à un certain point dans cette voie en adoptant dès ce moment une motion d’un député, M. Lanel, sur la taxation immédiate des terres défrichées, et en renvoyant à une commission spéciale une proposition plus étendue de M. Feray sur la révision des évaluations cadastrales. C’est incertain et difficile, assure-t-on. Y songez-vous ? La révision du cadastre, l’arpentage, la péréquation, pour tout cela il faut du temps et de l’argent, on ne peut dans tous les cas compter là-dessus pour avoir des ressources immédiates. D’abord rien n’est assurément plus juste que ce qu’on propose, tout le monde en convient, et, s’il faut du temps, c’est une raison de plus pour se hâter, pour ne pas se laisser enchaîner par la routine, comme on l’a fait jusqu’ici, de façon à entendre répéter dans dix ans, dans quinze ans : il faut du temps !

Ces nécessités financières, elles sont la rançon cruelle, inexorable, d’événemens qui pèsent sur nous du poids de toutes leurs conséquences matérielles, politiques, morales, et qui resteront longtemps l’obsession de la France, M. Émile Ollivier a cru sans doute que ces événemens étaient assez oubliés et qu’après en avoir été le promoteur futile, après avoir passé trois années en Italie, il pouvait rentrer dans ce monde parisien où la foudre a passé. Si encore l’ancien garde des sceaux de l’empire était revenu simplement, modestement, sans bruit, comme il convenait à un homme chargé d’un tel fardeau ! Mais non, le glorieux personnage ne peut pas agir ainsi, il semble n’avoir pas même le sentiment de sa situation, et du premier coup il a voulu donner une représentation nouvelle de sa vanité en faisant autour de sa réception à l’Académie française une sorte de tapage inattendu, provoquant et au bout du compte fort éphémère. À vrai dire, l’Académie française a un peu ce qu’elle mérite, elle a expié ici une vieille faute. Si elle avait réfléchi au mois d’avril 1870, au moment où elle s’est laissée aller à la tentation d’accorder ses suffrages à M. Émile Ollivier, alors garde des sceaux, chef du ministère du 2 janvier, elle aurait un peu plus hésité ; elle se serait dit que, puisqu’elle n’avait pas à couronner un talent exceptionnel, puisqu’elle allait nommer tout simplement le ministre, elle devait au moins attendre la fin de la représentation et se donner le temps de savoir ce que c’était que ce premier ministre improvisé de la veille. Elle aurait été d’autant mieux fondée à ne pas aller trop vite qu’elle aurait pu remarquer facilement chez M, Ollivier, dans la plupart de ses actes, même dans ceux qu’on vantait le plus, comme dans ses discours, une inconsistance présomptueuse, un esprit aussi peu sûr que possible. L’Académie a cédé alors à la séduction, et elle l’a payé aujourd’hui en se voyant obligée de maintenir son droit et sa dignité devant les prétentions de celui qu’elle a eu la faiblesse d’élire il y a quatre ans.

Que s’est-il donc passé ? M. Émile Ollivier, ayant à faire pour sa réception un discours sur Lamartine, qu’il remplace, a voulu condamner