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constitutionnel. De là les ordonnances de juillet 1830. La France ne voulait point d’une révolution nouvelle. La charte contenait, pour un souverain prudent et patient, de sûrs moyens d’exercer l’autorité royale et de garantir sa couronne ; mais Charles X avait perdu confiance dans la France et dans la charte. Quand l’adresse des 221 sortit triomphante des élections, il se crut acculé dans ses derniers retranchemens, et réduit à se sauver malgré la charte ou à périr par la révolution. Peu de jours avant les ordonnances de juillet, l’ambassadeur de Russie, le comte Pozzo di Borgo, eut une audience du roi. Il le trouva assis devant son bureau, les yeux fixés sur la charte ouverte à l’article 14. Charles X lisait et relisait cet article, y cherchant avec inquiétude le sens et la portée qu’il avait besoin d’y trouver. En pareil cas, on trouve toujours ce qu’on cherche, et la conversation du roi, bien que détournée et incertaine, laissa à l’ambassadeur peu de doutes sur ce qui se préparait.

La révolution de 1830 une fois accomplie, M. Vitet fut un des premiers à comprendre que ce que la France avait de plus pressé, c’était de la transformer en un gouvernement régulier et durable qui la terminât en la consolidant. Il comprit en même temps la condition vitale de ce gouvernement, que son pouvoir fût stable et efficace sous la double garantie de la libre discussion de ses actes et de la responsabilité de ses conseillers. La monarchie constitutionnelle offrait et avait déjà donné ailleurs pleine satisfaction à cette grande condition. M. Vitet se voua à la cause de la monarchie constitutionnelle, et les tentatives républicaines, si on en avait fait quelqu’une dès lors pour obtenir son concours, n’auraient pas même réussi à lui donner des tentations. Il n’avait peut-être contre le régime républicain aucune de ces objections de principe que peut élever une philosophie haute et exigeante ; mais il savait trop bien l’histoire pour ne pas reconnaître que, de toutes les formes de gouvernement, la république est celle dont les conditions sont le plus difficiles à réunir, la durée plus incertaine et le succès plus rare. Dans l’antiquité européenne, la Grèce fut une collection de glorieuses petites républiques qui passèrent leur vie à se faire la guerre jusqu’au jour où elles succombèrent devant la monarchie macédonienne. La république romaine ne conquit le monde que pour tomber dans une sanglante anarchie, qui aboutit bientôt au despotisme et à la décadence de l’empire. Dans le monde moderne, trois républiques, la Suisse, les Provinces-Unies de Hollande et les États-Unis d’Amérique, ont seules réussi à acquérir la consistance et la durée d’états vraiment constitués. C’est qu’elles ont été des confédérations de petits états républicains unis pour certaines circonstances graves et déterminées, mais conservant pour leur régime intérieur leur