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pour sauver cet état d’une chute soudaine; mais en ceci il faut user de modération et de discrétion. »

La conduite de Jacques n’était pourtant guère en harmonie avec les assurances qu’il envoyait à Maurice; la France, même aux mains des anciens ligueurs, était encore moins dangereuse que son hypocrite amitié. « N’oubliez pas, écrivait Barneveld à Langerac, le nouvel ambassadeur des états, de caresser le vieux gentilhomme. » Il voulait dire Villeroy, qui, si décrépit qu’il fût, menait encore la diplomatie de la France et qui ne voulait pas se mettre tout à fait dans les mailles de l’Espagne. « Ne croyez pas, disait-il, que la France laissera détruire le duc de Savoie, cela va contre toutes les raisons d’état. » Barneveld voulait, qui pourrait l’en blâmer? gagner du temps, attendre la fin de la minorité du roi de France; il pressentait Richelieu. Il respectait le gouvernement légal de la France; il pouvait bien blâmer ceux que blâmait Duplessy-Mornay, fidèle sujet autant que bon huguenot. Il savait combien Jacques était peu sûr, fuyant, capricieux. Le roi d’Angleterre voulait tout régenter, offrait toujours sa médiation; a il ne fallait qu’un peu de cire pour arranger l’affaire des duchés. » Parfois il était insolent, menaçait les états, il enjoignait à tout le monde de vider les duchés. Il commande aux états de désarmer, se répand en exhortations pompeuses : « hier est le précepteur d’aujourd’hui, etc. » Barneveld le ménageait, répondait à ses textes par d’autres textes, qu’il avait l’habileté un peu dangereuse de tirer des écrits anciens du roi. Ses défiances étaient bien justifiées, car ce bon allié des états pensa sérieusement à partager les Provinces-Unies avec la France. Il écrivait à Cecil : « Si les états sont si faibles qu’ils ne puissent subsister pendant la paix ou pendant la guerre (il les pressait à ce moment pour le remboursement des sommes prêtées par l’Angleterre) sans que je me ruine pour le faire, certainement alors minus malum est eligendum ;… qu’ils renoncent à leur vaine soif du titre d’état libre et dividantur inter nos; je veux dire que leur pays soit partagé entre la France et moi, autrement le roi d’Espagne est sûr de nous dévorer[1]. » Après avoir beaucoup crié, il finissait d’ordinaire par céder; il rendit à la Hollande les places que des garnisons anglaises occupaient depuis Elisabeth contre une somme de 250,000 livres, et les régimens anglais restèrent au service des états.

En 1617, Ferdinand, devenu le chef de la ligue catholique, fut nommé roi de Bohême, et peu après, en dépit de la « lettre de majesté, » la persécution commença contre les protestans. La guerre de trente ans date virtuellement du 23 mai 1618, le jour où la populace

  1. Manuscrit de Hatfield.