Si nous avons salué à Bouvines l’aurore de la nationalité française, il nous faut bien reconnaître, malgré les larmes, dans le meurtre exécuté avec une si atroce énergie de la charmante civilisation du midi, le premier pas décisif et vigoureux vers la formation de l’unité française. Guy n’assista pas en personne à cette sanglante croisade, qui eut cela de très caractéristique, que tous les seigneurs du pays de France y contribuèrent par leurs troupes, mais en s’excusant autant qu’ils purent d’y coopérer par eux-mêmes, ou en profitant de la plus légère circonstance pour s’en retourner chez eux, ce qui est à peu près comme s’ils avaient dit : « Bonne cause, vilains moyens; j’approuve l’entreprise, mais j’aime autant que ce soient d’autres que moi qui l’exécutent. » Ce sentiment nous paraît expliquer en partie ces désertions si rapides et si souvent répétées des chefs croisés, que nous entendons le fanatique chroniqueur Pierre de Vaulx-Cernay nous dénoncer avec indignation, et la quasi-solitude où nous voyons que fut réduit plusieurs fois Simon de Montfort. Quel que soit le motif qui l’ait retenu dans son domaine, Guy se contenta d’envoyer ses hommes qu’il confia à son cousin, Humbert VI, comte de Beaujolais, issu comme lui des dauphins du Viennois; ce furent ces troupes forésiennes qui prirent Castelsarrasin.
Le tombeau de Guy IV semble avoir été d’une extrême magnificence. Six figures ou cariatides soutenaient la table de ce monument, placé dans le milieu du chœur. Mutilé par les huguenots du trop fameux baron des Adrets lorsqu’ils entrèrent dans la ville, réparé en partie après les guerres religieuses, il est sorti de la révolution réduit à la table de pierre sur laquelle est étendue la statue funèbre du comte. Cette statue est sans mutilations apparentes; seulement, comme elle a été réparée plusieurs fois, il est assez difficile de distinguer, surtout sous la couche de badigeon blanc qui la recouvre, jusqu’à quel point elle a pu être altérée. Toutefois l’œuvre est encore assez belle, même dans l’état où nous la voyons, pour nous permettre de reconnaître qu’elle ne fut pas indigne de la seconde moitié de ce grand XIIIe siècle, auquel elle appartient; elle offre en outre plusieurs particularités intéressantes.
Le comte est étendu, dans toute la raideur de la mort; le visage, qui est d’un homme très jeune encore, — Guy avait trente-huit ans lorsqu’il mourut, — présente des traits de la plus grande beauté, et ces traits, par une singularité remarquable qui est à noter et à retenir, sont exactement ceux de Philibert le Beau de Savoie, tels que nous les montre le monument de Brou à Bourg. Guy et Philibert sont séparés par un intervalle de deux siècles et demi; mais, comme nous savons que dès cette époque il y avait eu des mariages entre la maison de Savoie et la maison du Dauphiné, il est plus que probable que c’est à l’action d’un même sang qu’il faut attribuer cette