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de tout autres sentimens et laissait d’autres impressions qu’en cette année de l’exposition universelle, à laquelle l’Autriche a convié le monde de l’industrie et des arts, et où la Société des chemins de fer de l’état a occupé une place honorable. Avant de retracer la naissance et le progrès de cette société elle-même, il ne sera pas inopportun de constater le contraste qu’à ces deux dates ont présenté et la ville et l’empire où elle a été créée.

En 1854, de la frontière française jusqu’à Vienne, c’était le monde du passé qui s’offrait seul aux regards : depuis Strasbourg, en passant par les petits duchés de Gotha et de Weimar, par Dresde, la Florence allemande, par Prague, encore pleine des souvenirs du moyen âge féodal et religieux, on arrivait à la ville de Sobieski, dominant ses trente-quatre faubourgs de ses remparts crénelés, protégée encore par ses glacis et ses fossés contre les incursions des Turcs. Vienne était à cette date une forteresse au centre de laquelle le palais de l’empereur, les résidences aristocratiques, les administrations, tout ce qui forme le cœur d’un grand empire, s’entassait dans un espace moindre que celui d’un de nos quartiers de Paris; les magasins, les ateliers, les fabriques se répandaient à l’aise dans les faubourgs. À ce moment, la population de Vienne ne dépassait guère 500,000 habitans. Il n’en est plus de même aujourd’hui : Vienne renferme plus de 900,000 âmes; Vienne n’est plus une place forte. L’Innere Stadt est toujours restée le cœur de la capitale, et a conservé le caractère antique que lui donnent des édifices tels que le Burg, résidence impériale datant de Charles-Quint, l’église Saint-Étienne, un des plus beaux spécimens de l’art gothique, et d’autres bâtimens moins importans; mais à côté d’eux, élevés sur l’emplacement des remparts, des fossés et des glacis, les maisons et les palais des nouveaux quartiers ont un air tout moderne : de larges et belles rues forment une série d’anneaux concentriques autour de l’ancienne ville, qui semble s’être développée comme un arbre augmentant de diamètre par la superposition de nouvelles couches. De la transformation de Vienne, la partie la mieux réussie, et celle qui avait réclamé les plus urgentes améliorations, est sans contredit le service des eaux.

Située non loin du principal cours du Danube, le plus irrégulier des fleuves. Vienne était traversée par un bras qu’on appelle improprement Canal du Danube, par une petite rivière fangeuse, la Wien, et deux faibles ruisseaux le plus souvent à sec. Un système de conduits étroits, creusés sous les rues à chaussée bombée, versait dans chacun de ces cours d’eau non-seulement les eaux ménagères, mais les déjections de toute sorte de chaque maison ; de grands soupiraux au ras du sol étaient ménagés pour recevoir les eaux des pluies qui tombent avec abondance dans un climat capricieux, variable et