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On ne saurait prétendre que, dans toutes ces concessions, l’intérêt particulier n’ait pas quelquefois commis des empiétemens sur l’intérêt d’autrui, et que la spéculation ou les caprices de la concurrence n’aient pas déterminé quelques tracés; en somme, le progrès a été rapide, et la prospérité générale s’est énormément accrue. Le total des lignes construites et en exploitation dans la Cisleithanie atteignait à la fin de 1872 le chiffre de 9,200 kilomètres contre 5,000 dans la Transleithanie (Hongrie), soit en tout 14,200 kilomètres. La Staats-Bahn et la Sud-Bahn, qui ont chacune une partie de leur réseau dans la Transleithanie, entrent dans ce total, la première pour 1,596 kilomètres, et la seconde en dehors de tout son réseau italien pour 2,182.

Si le développement des chemins de fer dans la seconde moitié des états de l’empereur François-Joseph n’atteint pas le même chiffre que dans la première, c’est qu’en Hongrie le mouvement ne date que de l’établissement du dualisme. Pesth a voulu devenir le centre d’où les voies ferrées doivent rayonner à toutes les extrémités de la terre magyare. Depuis bien peu de temps, la Hongrie a commencé de réaliser le rêve longtemps caressé de posséder enfin une vraie capitale. Sans remonter aux invasions des Turcs qui obligeaient les souverains de Hongrie à rétrograder jusqu’à Presbourg, les vicissitudes politiques et les discordes intestines avaient empêché la ville principale des Magyars de se donner un régime stable, une forme définitive. Séparées par le Danube et reliées par un pont suspendu, les deux villes de Pesth et de Bude, celle-ci cité officielle et résidence du roi, celle-là centre du commerce, et où siégeaient déjà les deux chambres, présentaient l’aspect le plus dissemblable et avaient conservé jusqu’à ces derniers temps chacune son octroi, son régime administratif et judiciaire. Pour celui qui préférait suivre de Vienne à Pesth le cours majestueux du Danube et visiter en passant Presbourg, Comorn, la forteresse vierge, rempart de l’indépendance nationale, Raab et Graan, l’arrivée entre les deux villes, l’une, Bude-Ofen, située à droite sur la montagne, l’autre, Pesth, s’étendant à gauche dans la plaine du Danube, offrait le curieux spectacle, moins riant peut-être, mais agrandi, de notre Lyon avec son magnifique coteau de Fourvières, dont l’église serait remplacée par un splendide château royal. La rive gauche du Danube est bordée de larges et grandes constructions neuves, les quais sont garnis d’une flotte de magnifiques steamers ; de larges rues, qui se coupent à angle droit, y aboutissent : tout est neuf, moderne, tandis qu’à Bude tout est ancien, étroit, provincial presque.

La population de Pesth dépasse maintenant 600,000 habitans. Le patriotisme hongrois, satisfait par la transformation politique du pays, a cherché à en développer la richesse, et comme premier